D'après "La Belle au Bois Dormant"
Thalie fit une bise sur la joue de sa grand-mère comme chaque matin pour la saluer. Depuis la mort de ses parents dans des circonstances plus que douteuses, c’était sa grand-mère paternelle qui s’occupait d’elle. Jusqu’à ce que les rôles s’inversent. Aujourd’hui, Thalie était une jeune femme de 26 ans, à la volonté d’acier. Dans son monde, il n’y avait pas de place pour les faibles ou pour la pitié. On vivait ou on mourrait.
Pourtant, sa grand-mère paternelle, Nymphe, restait douce et bienveillante malgré que le monde fut pris de folies. Elle avait réussi à convaincre ses parents de l’appeler Thalie, en rapport à un conte improbable. Soi-disant qu’elle ressemblait à une princesse. La jeune femme ricana intérieurement, comme chaque fois qu’elle avait cette pensée. Une princesse. Bien sûr... C’est pour ça qu’ils vivaient dans une maison branlante, étroite et humide. Mais Nymphe ne cessait de lui répéter qu’elle était belle et courageuse et qu’un jour, son prince viendrait la chercher et qu’elle aurait le droit, elle aussi, a une fin heureuse.
Thalie arriva au palais du Royaume par la petite porte, comme d’habitude. Elle n’était qu'intérimaire, elle ne méritait pas de passer par le portail principal. Elle se dirigea dans l’aile relative à la sécurité, ignorant les regards lubriques. Elle avait l’habitude. Ce n’était pas la première fois et ce ne serait pas la dernière. La meilleure solution, elle l’avait appris à ses dépens, était de faire comme si cela ne le touchait pas. Ne pas répondre.
Arrivée dans la salle de défense virtuelle, elle se dirigea de suite vers les lits les plus éloignés de la porte, ceux collés contre le mur. Il n’avait qu’un ou deux voisins. Cela limitait les agressions. Elle frissonna comme à chaque fois qu’elle pensait à ce qui pouvait lui arriver pendant son sommeil. Puis repoussa l’idée. Si elle devait craindre toutes les menaces, elle vivrait terrée en haut d’une tour. Elle avait mis un jean serré, espérant -peut-être naïvement- qu’au moins elle saurait si le pire arrivait. Il y avait peu de femmes qui combattaient pour la défense du Royaume.
Kenan, le responsable de cette salle, la salua d’un mouvement de tête avant de lui tendre les papiers. Il était plutôt distant avec les combattants. Et au vu du nombre qu’il devait débrancher en fin de séance, c’était bien normal. Thalie signa en lisant les papiers. Elle n’était pas naïve au point de signer un document dont elle n’avait pas pris connaissance. Il fallait toujours faire preuve de prudence. Elle relut donc les lignes déjà connues : une décharge, dans le cas où elle décéderait au cours d’un combat. Elle nota son adresse, pour que sa grand-mère soit prévenue si cela devait arriver et redonna les papiers à Kenan.
Elle prit le long fil reliant la machine à une sorte de mâchoire en fer. Si la première fois, elle avait été impressionnée, maintenant, cela ne lui faisait plus rien. Elle positionna les pointes sur sa nuque, au niveau de sa colonne vertébrale et ses dernières se refermèrent sur sa peau, déchirant cette dernière, ses muscles, les os et la moelle épinière sans qu’elle ne ressente rien. La douleur était soulagée par un système perfectionné contenu dans la mâchoire. Presque aussitôt, elle se sentit partir et tout son corps se détendit. Elle se positionna de manière confortable avant de s’endormir artificiellement.
Quand elle rouvrit les yeux, Thalie effectua quelques mouvements pour vérifier que son corps d’emprunt était opérationnel. Ne constatant aucun souci particulier, elle alla chercher son matériel et attendit que ses acolytes arrivent. Elle n’était pas folle. Combattre était déjà difficile, alors seul, c’était du suicide. Ils étaient cinq à travailler plus ou moins régulièrement ensemble. Cela leur permettait de se protéger les uns les autres, de tuer des monstres plus grands et donc, d’empocher plus d’argent.
En patientant, elle remarqua plusieurs combattants, transpirant dans leurs tenues, piétinant sur place, visiblement mal à l’aise. Elle croisa même le regard paniqué d’un petit brun, mais ne lui accorda aucun sourire. Il n’y avait pas de place à la pitié. S’il pensait qu’elle pourrait l’aider, il deviendrait un poids encombrant et serait un risque de plus, entravant sa survie. Elle se souvint du jour où elle avait décidé d’entrer dans l’armée du Royaume.
Sa grand-mère était de plus en plus malade. Il fallait faire quelque chose pour la prendre en charge. C’était soit la laisser mourir et profiter seule de l’argent des petits boulots qu’elle dénichait, soit trouver un emploi qui rapportait plus. Et Thalie n’en connaissait qu’un : la guerre. Elle avait été déclenchée il y a déjà plusieurs centaines d’années, quand les Autres étaient venus envahir la terre. Ils avaient commencé par coloniser les proies faciles : les enfants. Il avait fallu plusieurs années pour comprendre ce qui se passait. Les enfants infectés avaient été isolés, mis en quarantaine. Utilisé comme cobaye, le gouvernement n’avait pas trouvé de remède. On les avait tous tués, par peur que les Autres ne se propagent. Il fallut encore plusieurs années avant de comprendre que la menace n’était pas physique, mais psychique. Et cinquante ans après le début des hostilités, le Royaume avait massivement investi dans la guerre et les armements virtuels. Cela avait paru très long aux Autres, qui riaient de voir les humains mettre autant de temps à organiser leur défense.
L’armée virtuelle avait pour mission d’entrer dans le monde des Autres et de les annihiler. L’essence de la personne était transférée dans un autre monde, leur permettant de combattre. Aujourd’hui, une partie du territoire des Autres avait été conquis, permettant aux combattants d’entrer sans crainte. Afin de limiter l’infection, ou la possession comme l’appelait la population, la zone où les combattants atterrissaient était la seule permettant les échanges de corps. Si on mourait dans la réalité alternative, hors de cette zone, c’était la mort dans la vraie vie. Pas de retour en arrière possible. Si une personne cherchait à se déconnecter face à la menace, elle faisait face à des séquelles tellement graves qu’on lui préférait la mort. De toute façon, aucune famille ou presque n’avait les moyens d’entretenir un infirme total. Quand un soldat revenait tétraplégique du front, il était rendu à sa famille, qui se chargeait souvent de finir ce que les Autres avaient commencé.
Thalie avait donc commencé en devenant porteuse. Un métier sans trop de risque. Il permettait de suivre les explorateurs et de porter leurs affaires, de ramasser les objets intéressants sur les monstres une fois morts et d’obtenir une infime partie du butin. Mais c’était déjà bien plus que ce qu’elle pouvait espérer. Et puis, la santé de Nymphe s’était dégradée et elle avait eu besoin de plus de soins, plus de présence et donc, plus d’argent. Alors, Thalie était devenue une exploratrice. D’abord seule, elle avait vite compris qu’un groupe serait utile. Elle en avait fait part à Kenan qui l’avait mis en relation avec des connaissances qu’il jugeait sûres. Autant qu’une personne puisse l’être dans le Royaume… Ses gains n’avaient jamais été aussi importants. Tout comme ses prises de risque. Thalie savait que la chance tournerait un jour, mais repoussait toujours cette idée dans un coin de son esprit. Elle aurait tout le temps de réfléchir une fois morte.
Une frappe sur l’épaule ramena Thalie au présent. Une partie de l’équipe était déjà présente. Adriel, qui menait la troupe à travers leurs diverses missions, l’informa qu’ils n’attendraient les retardataires que cinq minutes avant de partir. Ici, le temps c’était de l’argent. Et de l’argent, ils en avaient tous besoin. Finalement, leur groupe fut composé de seulement quatre personnes ce jour-là. Personne ne chercha à savoir où était passé Moon. Son sort n’était pas important, seules comptaient ses compétences qu’il faudrait peut-être remplacer.
L’exploration se fit plus prudente, plus tendue. Ils se sentaient plus vulnérables, amputés d’un membre. Ils ne partirent pas aussi loin que d’habitude, ne combattirent pas tous les monstres qu’ils croisèrent, préférant en éviter quelques-uns. La prudence était de mise. Ils rentrèrent au camp de base sans blessé grave. Adriel, comme à son habitude, les salua brièvement, leur demandant d’être présent le soir du 31, sans plus d’explications.
Finalement, quand Thalie retourna dans son propre corps, elle était plutôt déçue de son butin. Elle comprenait l’intérêt de la stratégie choisie par Adriel, mais tout ce qu’elle voyait actuellement était le manque à gagner. Grognant, elle vérifia ses affaires. Rien ne semblait avoir bougé. Même si elle ne se l’avouerait jamais, elle pensait qu’il ne lui arriverait rien tant que Kenan gérerait cette salle. Pourtant, il était facile de duper un homme. Ou de le soudoyer.
Partant rapidement alors qu’un autre prenait déjà place sur l’emplacement, elle vit que le soleil était encore haut dans le ciel. L’avantage de ne pas avoir le même écoulement de temps dans les deux mondes… Elle aurait le temps de passer à la banque pour convertir son salaire de l’autre monde en argent réel.
Lorsque Thalie retrouva sa grand-mère le soir même, les médicaments nécessaires au maintien de sa santé étaient dans son sac. Elle déposa ses derniers sur la table, Nymphe fronça les sourcils et lui reprocha :
“- Thalie ! Comment les as-tu payés ? Et ne me dis pas que ce sont tes petits boulots, je ne te croirais pas !”
La jeune femme haussa les épaules avant de se mettre à cuisiner, pas impressionnée pour deux sous.
“- J’ai fait des extras c’est tout.
- Thalie ! Ne me dis pas que… Ce n’est pas ce que je pense !?”
Sa grand-mère paraissait choquée et inquiète à la fois. Thalie se dérida avant de passer un bras sur ses épaules et de l’embrasser sur la joue.
“- Pas ce genre d’extras, mamie, ne t’inquiète pas.”
À demi rassurée, Nymphe ne dit plus rien. Elle était heureuse d’être prise en charge par sa petite-fille, malgré la rudesse de ce monde. Thalie restait sa princesse et elle s’en voulait parfois de lui faire endurer une vie si difficile. Sûre que sans elle, Thalie aurait déjà été mariée, elle aurait trouvé un emploi convenable, et dans ses rêves les plus fous, elle aurait été invitée au château. Mais comment sa petite-fille pouvait accéder à ses rêves tout en aidant sa grand-mère qui ne pouvait survivre seule ? Nymphe soupira : elle ne savait pas quoi faire.
Elles passèrent la soirée ensemble, principalement à échanger sur de nombreux sujets différents. Elles finirent ensuite par se mettre à lire la poignée de romans qu’elles avaient. Elles les avaient déjà lues au moins dix fois chacune, mais cela leur permettait de s’évader. Pour Nymphe, la lecture exacerbait son esprit fantasque et lui permettait de voyager au-delà de sa maison. Pour Thalie, cela lui permettait de visiter d’autres mondes, des mondes qui ne seraient pas dangereux, où il ne faudrait pas se battre pour survivre et où ils ne seraient pas infestés de monstres.
Le mois d’octobre déclina doucement, les deux femmes continuant leur routine. Thalie avait choisi de ne pas travailler pendant quelques jours après qu’elle ait frôlé la mort face à un monstre. Elle avait été grièvement blessée, mais ses coéquipiers avaient pu la ramener en sécurité, et elle avait pu retourner dans le monde réel sans aucune conséquence physique. Par contre, les premiers jours, elle avait fait des cauchemars où elle se voyait mourir, délaissant Nymphe qui désespérait et mourrait de faim, de soif ou de maladie. Personne ne la prendrait en pitié, Thalie n’avait pas cet espoir.
Malgré cela, la jeune femme décida de retourner relativement rapidement au travail. Pragmatiquement, elles avaient besoin d’argent. Et Thalie savait que si elle laissait trop ses sentiments s’exprimer, elle aurait du mal à retourner sur le terrain. Pourtant, son équipe n’avait eu aucune pitié pour son retour. Pas de place pour les faibles. Cela avait été moins pire que ce à quoi elle s’attendait. Une mission plutôt moyenne qui l’avait laissée harassée en fin de journée, mais vivante.
Un soir, Adriel leur demanda de rester après avoir partagé leurs gains et Thalie ne cacha pas son agacement. Elle n’aimait pas perdre du temps inutilement. Il leur parla d’un événement annuel, qui se déroulait le 31 octobre : Halloween. Le nom était semble toute tirée d’une légende humaine, datant de plusieurs centaines d’années et dont personne ne se souvenait réellement. Peu importait l’origine de cet ancien nom, l’important était les sommes folles promises. Plusieurs missions seraient proposées ce jour-là, avec des équipements spéciaux, coûtant une fortune, mais redoutablement efficaces. Thalie eut un rictus. Leur rendement serait beaucoup plus important s’ils avaient un tel équipement. Mais le Royaume était bien trop pauvre pour en fournir continuellement.
Les missions étaient aussi variées que nombreuses. La somme récoltée dépendait du degré de dangerosité de la mission. Adriel leur proposa de participer en groupe. Ainsi, ils auraient plus de chance de survivre. Le seul inconvénient était de trouver un cinquième membre à leur équipe pour retrouver un équilibre. Jarin proposa un ami à lui et ils décidèrent de le mettre à l’épreuve le lendemain pour voir s’il pouvait convenir.
L’ami de Jarin se nommait Day et était bien trop bruyant au goût de Thalie, d’une nature solitaire. Malgré tout, il faisait plutôt bien son travail, même s’ils devaient encore trouver une nouvelle dynamique de groupe. La jeune femme le trouvait trop téméraire, qualité qui pouvait rapidement devenir un défaut dans le monde des Autres, mais l’équipe accepta tout de même de l’intégrer à leur groupe. Ils purent alors recommencer les missions plus difficiles, celles qui vous faisaient craindre pour votre vie, prier pour rentrer chez vous et faisaient battre le cœur plus fort, rongé par l’angoisse.
Et finalement, le 31 octobre arriva. Thalie fit une bise sur la joue de sa grand-mère, lui expliquant qu’elle serait absente plus longtemps que d’habitude -les missions se déroulant jusqu’au milieu de la nuit. Elle donna ses dernières recommandations à la petite-fille de sa voisine. Pour la peine, elle l’avait engagée comme auxiliaire de vie. Elle lui avait promis un salaire suffisamment généreux pour que Nymphe soit bien traitée et lui avait donné la moitié en arrivant, pour s’assurer qu’elle pourrait payer. Thalie comptait sur la réussite des missions d’Halloween, sinon quoi, elles auraient de sérieux problèmes financiers. Nymphe ne lui posa pas de questions sur son travail, mais sa petite-fille voyait bien à quel point elle s’inquiétait pour elle.
Lorsque Thalie arriva au palais du Royaume et plus particulièrement dans la salle de défense virtuelle, elle grogna : “son” lit était déjà occupé. Visiblement, l’événement amenait davantage de monde que ce qu’elle aurait pensé au premier abord. Résignée, elle s’installa sur les lits de fortunes qui avaient été montés pour pallier au manque de place. Elle ne put empêcher l’angoisse tordre son ventre. Elle se sentait terriblement exposée ainsi entourée d’homme la dévisageant. À croire qu’ils n’avaient jamais vu de femmes de leur vie ! Essayant tant bien que mal de refouler son mal-être, elle plongea dans le monde virtuel, retrouvant son équipe.
Ses membres étaient tous autour d’un espace dédié à l’équipement, une sorte d’armurerie. De ce que Thalie pouvait en voir, il était beaucoup plus fourni que d’habitude. Elle reconnut Day et Jarin et essaya de se placer derrière eux, mais il y avait bien trop de monde. Elle pensait qu’ils ne l’avaient pas vu, pourtant, Day lui jeta quelques items qu’elle récupéra avant de les mettre de côté. Ainsi, elle put prendre plusieurs armes qu’elle distribua ensuite entre les membres de l’équipe, des protections souples, mais qui avaient l’air résistantes et même des feux de détresse.
Elle rangeait de manière le plus confortable possible son nouvel attirail quand Day se mit à crier de joie. Levant les yeux au ciel, elle se tourna malgré tout vers lui et ses pupilles s’écarquillèrent de stupeur. Des fées ! Il avait réussi à avoir des fées ! Extrêmement rares, ces dernières permettaient d'accroître temporairement la capacité de leur corps d’emprunt. Pendant un bref instant, Thalie jalousa furieusement Day avant de repousser cette émotion loin de son esprit. Ce dernier paradait, sautant en l’air, irritant encore plus Thalie qui fit mine de ne rien voir en finissant son paquetage. Elle rangeait son couteau dans une poche de son nouveau pantalon quand une fée bleue enfermée dans une cage de verre apparut devant ses yeux. Elle se releva pour voir que Day lui tendait son acquisition. Pourtant, Thalie ne le prit pas. Rien n’était gratuit ici. Pourtant, il lui dit :
“- Tiens, c’est pour toi !”
Prudente, elle préféra préciser, toujours sans la prendre :
“- Tu n’auras rien en échange. Ici ou dans la vraie vie, tu le sais ça ?”
Son sourire s’agrandit et il lui mit la fée dans les mains avant de répondre :
“- Arrête d’être aussi aigrie. Tiens, j’en ai eu trois. J’ai donné une Flora à Jarin pour augmenter sa force, toi, Pimprenelle pour la vitesse et je me suis gardée Pâquerette pour l’agilité. C’est une question stratégique. Avec elles, ça sera plus simple d’arriver à réussir nos missions. Elles pallient nos faiblesses à tous les trois.”
Ravie de son acquisition, Thalie n’avait suivie que d’une oreille distraite le monologue de son collègue, mais le remercia tout de même sans y mettre trop de chaleur. Il ne fallait pas qu’il se méprenne… Elle accrocha la fée à sa ceinture avant de rejoindre le groupe. Adriel commençait à expliquer la mission et elle écouta attentivement son discours. Son instinct lui hurlait que cet événement serait totalement différent de ce qu’elle avait déjà fait.
-zZzZzZzZz-
Adriel avait bien fait son travail : les missions étaient suffisamment compliquées pour rapporter une somme d’argent conséquente sans qu’ils ne soient dépassés. Ils accumulèrent rapidement les victoires, gardant à l’esprit qu’il fallait tout de même partager le butin au bout du compte.
Leur équipe fit une pause. Ils venaient d’affronter une horde de trolls et deux membres de l’équipe avaient été blessés. Pas assez pour qu’ils fuient la mission, mais suffisamment pour qu’ils s’arrêtent quelques instants. Ils délaissèrent leurs protections dans un coin. Malgré que ça soit un corps virtuel, les sensations étaient les mêmes et il faisait affreusement chaud avec ces dernières. Thalie s’assit sur une pierre pour souffler un peu. Après quelques minutes de repos, ce fut Adriel qui se rendit compte de quelque chose. Il se releva à demi avant de souffler :
“- Vous entendez ?”
Thalie tendit l’oreille. Elle entendait un vague bruit de fond, sans qu’elle n’en détermine l’origine. Cela semblait venir de derrière le monticule, à quelques pas d’eux. Elle se releva avant de faire un signe au chef. Elle était plus petite et silencieuse, elle allait faire le repérage. Elle prit son arme avant de se diriger rapidement, mais discrètement vers l’élévation de terre qui leur bloquait la vue. Elle se mit à plat ventre avant de jeter un coup d’œil. Elle fit en sorte de ne pas se faire voir avant de redescendre :
“- Des imbéciles arrivent droit sur nous. Ils sont désarmés et doivent fuir quelque chose, mais je n’ai pas v…”
Un hurlement caractéristique les fit tous se redresser. Les bruits de pas se rapprochèrent et ils virent le premier fuyard en haut de la colline les rejoindre, le souffle court avant de les dépasser et de s’enfuir. Ce fut le signal d’alarme pour l’équipe qui chercha tant bien que mal à se préparer, chacun cherchant ses affaires en essayant de ne pas céder à la panique. Pourtant, le cri de la bête qui s’approchait d’eux ne leur facilitait pas la tâche. Thalie ramassait sa fée quand l’ombre du dragon Maléfique les survola, aggravant la panique du groupe. Elle ne sut pas qui se mit à parler, mais elle comprit ce qui allait arriver quand elle vit la mine paniquée d’un homme sur sa gauche.
Elle ne chercha pas à comprendre plus loin et cassa la cage contenant la Pimprenelle. Elle sentit un vague courant la traverser et se mit à courir. Elle ne pensa pas à récupérer ses équipements, cherchant juste à fuir le plus vite possible. Elle était à quelques mètres du groupe quand les premières flammes se déversèrent sur eux. Elle courut jusqu’à atteindre une forêt qu’ils avaient longée il y a quelque temps de cela.
Ce n’était pas le meilleur endroit : elle abritait sûrement de nombreux monstres, mais lui permettait de se cacher du dragon. Elle entendait ses hurlements, mais ne se risqua pas à regarder. Tant pis pour ses comparses, elle ne pouvait rien pour eux. Elle eut un rapide regret pour ce qu’elle n’avait pas pu récupérer avant de retrouver son pragmatisme. Elle devait rentrer à la base sans mourir et sans tomber sur le dragon, ce qui ne serait pas facile. Elle doutait même d’y arriver…
Après quelques minutes de marche en essayant d’être la plus silencieuse possible, elle entendit une branche craquer et elle sortit son couteau, espérant que ce n’était pas une présence hostile. Le bruit s’amplifia avant de s’approcher et elle se cacha à demi derrière un tronc. Elle entendit un gémissement de douleur, ce qui la rassura à moitié. Il avait l’air humain. Surprise, elle vit Day s’approcher, soutenant Jarin. Ce dernier avait l’air mal en point. Brûlé sur une majeure partie de son corps, il se faisait traîner par son ami plus qu’autre chose.
Elle décida de se montrer et Day leva une main armée avant de se détendre en la reconnaissant. Elle ne lui proposa pas son aide. De son avis, Jarin n’en valait pas la peine. Il n’était qu’un poids mort. Pire, son sang attirerait probablement le dragon. Elle demanda :
“- Les autres ?”
Day haussa les épaules avant de répondre :
“- C’est allé trop vite, je ne sais pas trop. J’ai juste eu le temps d’aider Jarin.”
Thalie souleva un sourcil : aider était un bien grand mot au vu de l’état dans lequel il était. Day renforça sa prise sur la taille de son ami avant de préciser :
“- J’ai fait au mieux. On a perdu pas mal d’équipement. Tu as toujours la fée ?”
Il grogna face à son signe de dénégation :
“- Il ne reste que Flora. Tu veux bien m’aider ?”
Thalie pesa le pour et le contre avant de finalement passer le bras blessé de Jarin autour de ses épaules. Elle secoua la tête intérieurement. Elle savait bien qu’elle devrait payer pour la fée… Ils marchèrent dans la forêt, espérant ne pas tomber sur un démon. Toutefois, il semblerait que le dragon avait fuir toutes créatures environnantes. Silencieux, ils progressaient lentement. Beaucoup trop lentement au goût de Thalie qui pesta. Day lui intima de se taire avant de dire :
“- Tu ne trouves pas que c’est silencieux ?”
La jeune femme s’arrêta, les faisant trébucher.
“- Demi-tour ! Tout de suite !”
Ils avaient à peine fait quelques pas qu’un mur de feu apparut à l’endroit où ils se trouvaient. La violence du choc les projeta au sol, les faisant gémir tous les trois. Thalie se releva, suivie de Day. Ce dernier se baissait pour redresser Jarin quand elle lui agrippa le bras :
“- Laisse-le ! On ira plus vite à deux !”
Il arracha violemment son bras de son emprise avant de crier :
“- JE PEUX PAS !”
Loin de son engouement habituel, il semblait avoir des sanglots dans la voix et les larmes aux yeux. C’est alors qu’elle comprit :
“- C’est plus que ton ami c’est ça ?”
Il ne dit rien, la gorge nouée et se contenta de hocher la tête. Thalie s’approcha et l’aida alors à se redresser. La vie des homosexuels était pire que celles des femmes. Il fallait se serrer les coudes. Essayant de courir malgré leurs blessures, ils décidèrent de s’enfoncer plus profondément dans la forêt pour se protéger du dragon Maléfique.
Ils marchèrent pendant ce qui leur parut des heures, grognant et suant sous les efforts. Ils arrivèrent dans une zone plus boisée et ils se méfièrent. S’il y avait plus de verdure, cela signifiait sûrement qu’il y avait davantage de nourriture, de gibier et donc… de monstre. Thalie glissa sur ce qui ressemblait à de la mousse et dévala une pente, se coupant à de divers endroits, les branchages lui griffant la peau. Elle entendit Day lui demander comment ça allait et elle leva un pouce en sa direction, pour lui signifier que ça irait. Son épaule droite la faisait atrocement souffrir et tout son corps était douloureux, mais elle se morigéna. Mieux valait ça que d’être mort. Ou de finir comme Jarin…
Reposant sa tête sur le sol quelques instants, un éclat attira son attention. Elle se redressa, non sans de nombreux grognements de sa part avant de rassurer Day et se diriger vers l’endroit qui avait attiré son attention. Sous quelques branches qui ravivèrent la douleur de son articulation, elle trouva une épée rouillée. Elle fit une moue déçue : elle ne leur servirait pas à grand-chose. Pourtant, elle était de grande qualité, cela se voyait à son pommeau finement ouvragé et au symbole Royal gravé sur le manche. Mais elle était là depuis un trop long moment pour leur servir à quoi que ce soit.
Jarin, Day et Thalie continuèrent leur progression avant que Jarin ne s’effondre tout à fait. Day regarda autour d’eux et les dirigea vers une espèce de grotte. Thalie chercha à le dissuader, mais il était catégorique. Et comme elle était plus en sécurité avec lui, elle décida de les suivre. Ils s’installèrent donc dans la caverne dont Thalie décida de cacher l’entrée par quelques branchages. Nerveuse, elle fit rapidement le tour avant de trouver une ouverture dans le fond, sur la gauche. Elle laissa les jeunes hommes entre eux avant de se faufiler à travers cette dernière.
La jeune femme déboucha dans un couloir de plus en plus noir. Elle aurait dû faire demi-tour, elle le savait, mais la curiosité prenait le pas sur sa raison, malgré le frisson d’angoisse qui remontait sa colonne vertébrale. Elle mit la main sur le manche de son couteau, essayant de calmer sa crainte.
Thalie aurait pourtant mieux fait d’écouter son instinct, car une sorte de gobelin lui sauta sur le dos sitôt qu’elle entra dans la pièce située au bout du tunnel. Il s'agrippa à ses épaules et planta ses crocs dans sa nuque, la faisant hurler de douleur. Elle l’agrippa par l’oreille pour le déloger, mais ne fit qu’accroître sa souffrance. Essayant de raisonner, elle planta son couteau au hasard, se coupant la joue par la même occasion. Elle frappa par dessus son épaule, encore et encore, jusqu’à ce qu’il lâche prise dans un couinement de douleur. Elle plaqua aussitôt sa main sur la plaie et siffla de douleur.
Les gobelins étaient petits, mais teigneux, ce qui les rendait particulièrement difficiles à déloger. Elle se mit en position de combat quand elle vit un second monstre sortir d’une ouverture plus petite à sa droite. Rapidement, elle se dirigea vers ce dernier et lui planta son arme dans le crâne tandis que l’autre agrippait sa jambe, la lacérant. Thalie essaya de donner des coups de pieds, mais il était bien accroché. Elle donna un coup vers le mur, espérant l’assommer, mais ne rencontra que la pierre. Day, qui l’avait entendu hurler l’avait rejoint et avait tué le premier gobelin. Faisait fi de la douleur, elle se redressa et demanda, d’un ton empressé :
“- Donne-moi Flora, dépêche-toi !”
Lui faisant confiance, Day lui tendit la fée que Thalie s’empressa d’absorber. Elle se dirigea vers le centre de la pièce où semblait se trouvait une sorte de boîte en pierre et souleva le couvercle facilement grâce à la force donnée par Flora. Elle le plaça devant l’accès par lequel les gobelins entraient, craignant que d’autres n’arrivent. Elle dit, d’une voix où l’on sentait l’angoisse et la douleur :
“- Il faut partir d’ici !”
Mais Day ne l’écoutait plus, penché sur la boîte. Il semblait bouche bée, ne faisant plus réellement attention à son environnement. Thalie se dirigea vers lui avant de le tirer par la manche et de finalement s’arrêter également. Ce n’était pas une boîte. C’était un cercueil.
“- Tu crois qu’il est vivant ?”
La jeune femme fit la moue avant de réfléchir :
“- Si c’est un humain, sûrement. Nos corps virtuels sont censés disparaître quand on se déconnecte. Je me demande depuis combien de temps il est là…”
Day soupira, retrouvant un instant l’insouciance de leurs premières missions :
“- Il ne te fait pas penser à un chevalier ? Tu sais, comme dans les contes. Ou non ! Un prince plutôt ! Qu’on doit réveiller de son sommeil par un baiser comme dans la belle aux bois dormants…”
Thalie le regarda avec circonspection avant de grogner :
“- Tu t’entendrais bien avec Nymphe…
- Qui ça ?
- Ma grand-mère. Elle est fan de … princes et de princesses et de contes tous plus farfelus les uns que les autres.”
Day eut un sourire avant de regarder de nouveau le cercueil :
“- On fait quoi de lui ?”
Thalie réfléchit un instant. Ils avaient peu de solutions. Et surtout, ils étaient tous plus ou moins blessés. L’homme, peu importe qui il était, semblait en bonne santé. Ils pourraient peut-être les aider. S’il savait se battre… Priant pour ne pas tomber sur un boulet qui ne ferait que les ralentir, Thalie le secoua violemment. Elle n’avait pas le temps pour la gentillesse. Ils devaient fuir cet endroit, en espérant que d’autres gobelins n’apparaissent pas avant. Le jeune homme dans le cercueil commença à montrer des signes de réveil, elle dit alors à Day de préparer Jarin pour partir. Ce dernier se dirigea vers l’ouverture, les laissant seuls.
L’inconnu se redressa dans sa tombe de pierre avant de se recroqueviller et de gémir qu’il ne voulait plus. Il demandait, comme une litanie à ce qu’on l’achève. Haussant les sourcils face à cette demande, tout en soupirant, déçue, Thalie le secoua un peu plus :
“- Allez réveille toi ! Je vais pas te faire de mal, sauf si tu continues encore à gémir comme ça. Allez ouvre les yeux !”
La méthode forte ne marchant pas, elle décida de s’adoucir, comme si elle prenait soin de Nymphe. Elle lui expliqua qui ils étaient, où ils étaient et ce qu’ils étaient en train de faire. Il la regardait, semblant boire ses paroles. Ce fut Day qui les interrompit, demandant quand ils allaient partir. Thalie se redressa et fit de même avec l’inconnu. Une fois debout, elle le regarda dans les yeux, captant son regard avant de lui demander :
“- Tu t’appelles comment ?
- Philippe.
- Okay Philippe. Tu sais combattre ?”
Il cligna des paupières, comme surpris.
“- Euh.. Oui. J’ai appris au Palais.”
Thalie haussa les sourcils. Qui apprenait encore à se battre au Palais si ce n’est les gardes royaux et la famille royale ? La jeune femme se dirigea vers Jarin avant de lui prendre un couteau accroché à sa ceinture et de le tendre à Philippe.
“- Tiens. On va rejoindre la zone sécurisée, essaie de pas mourir jusque là, okay ?”
Il hocha la tête, mais Thalie sentit qu’il était perdu. Tant pis, ils n’avaient pas le temps. Elle leur fit signe de partir devant, mais Philippe resta auprès d’elle, visiblement inquiet. Elle s’accroupit avant de découper un morceau de chair de gobelin. Ça masquerait partiellement leurs odeurs et leur permettrait de faire diversion si besoin.
Durant le voyage de retour, ils furent attaqués par des gobelins, quelques trolls, mais ils arrivèrent à s’en sortir malgré tout. Philippe, une fois sorti de son état de confusion, se révéla être un excellent combattant. Il jetait souvent des coups d’œil à Thalie, ce qui la mettait mal à l’aise. Malgré tout, elle ne disait rien, consciente qu’il était un atout précieux pour eux tous. Jarin était de plus en plus mal en point, tout comme Day, blessé au ventre et aux bras au cours d’un de leur affrontement. Malgré tout, il essayait de se plaindre le moins possible et de ne pas les ralentir, ce qui échouait inévitablement.
Pendant le trajet, Philippe leur posa de nombreuses questions sur la vie réelle, ce qui attisa la méfiance de Thalie à son égard, qui lui répondait malgré tout. Comme à son habitude, elle ne chercha pas à en savoir plus sur lui, bien qu’il l’intriguait. Il avait le port altier et dégageait une prestance qu’elle n’avait jamais vue, encore moins dans le quartier où elle habitait...
Ils arrivèrent enfin à l’autre bout de la forêt, globalement plus mort que vif. Thalie décrocha le morceau de chair de sa ceinture et le balança avec force vers la gauche. Elle attendit quelques instants, mais aucun bruit n’attira son attention : aucun prédateur ne semblait avoir été attiré. Ils entendirent le hurlement du dragon Maléfique quelque part sur leur gauche, plus en arrière, les pétrifiant tous les quatre. Day les invectiva et ils se dirigèrent à l’opposé du bruit, vers la zone sécurisée, le plus rapidement possible. Ils prièrent pour que le dragon soit occupé avec d’autres combattants.
Pourtant, ils entendirent avec angoisse le hurlement se rapprocher de plus en plus. Jarin, devant le rythme soutenu, ne cessait de tomber, les ralentissant. Pour la énième fois, Day et Thalie le remirent sur pied dans un geignement de douleur de leur part à tous. Ils entendirent le battement des ailes du dragon alors qu’ils n’étaient plus qu’à quelques centaines de mètres de la zone. Jarin demanda à ce qu’on le laisse ici, qu’ils ne feraient que mourir pour rien. Cela fit hésiter Thalie, mais elle ne dit rien. Ce fut Philippe qui lui dit de ne pas baisser les bras et il remplaça la jeune femme pour le soutenir. Le sol se mit à trembler et ils n’eurent pas à se retourner pour voir que ce dernier s’était posé derrière eux. Day gémit, paniqué :
“-, Mais qu’est-ce qu’il nous veut à la fin !
- C’est moi qu’il veut.”
Thalie regarda Philippe, tentant de comprendre ce que sous-entendait le jeune homme. Mais pris par la panique, elle n’arrivait pas à réfléchir. Le dragon se rapprochait de plus en plus et elle se mit à courir vers la zone sécurisée, laissant ses compagnons derrière elle.
Elle entendit Day et Philippe crier, mais elle accéléra encore plus. Encore quelques minutes et elle y serait… Sa jambe, son cou et son épaule étaient en feu, mais elle tint bon. Enfin, elle vit la zone sécurisée et se dépêcha davantage. Quand elle arriva dans cette dernière, elle se dirigea vers le soldat s’occupant des fournitures et lui hurla de lui donner un bouclier pouvant les protéger du feu. Elle n’eut que le temps de les prévenir que le dragon Maléfique arrivait, qu’elle repartit en sens inverse, la protection en main.
Elle courut plus vite encore, se demandant pourquoi elle ne s’était pas encore déconnectée, pourquoi elle n’écoutait pas sa raison qui lui hurlait de rentrer chez elle, en sécurité auprès de sa grand-mère. Au lieu de cela, elle tira sur ses muscles endoloris pour courir vers ses compagnons, droit sur le dragon. Arrivée à leur hauteur, elle se plaça derrière eux, le bouclier levé pour les protéger de la marée de flammes qui déferlait sur eux. Ce n’eut pas l’effet escompté au vu des cris de douleur qu’ils poussèrent. Thalie pouvait sentir la chaleur des flammes au travers de la protection. Sa peau se calcinait, se racornissait par endroits et elle se mit à hurler sous la douleur avant de s’évanouir.
Finalement, la marée de feu s’arrêta, le dragon devant s’occuper des dizaines de soldats envoyés pour le combattre. Philippe et Day se relevèrent, brûlés par endroit, mais vivants. Grâce à Thalie. Ils lui jetèrent un regard reconnaissant. Ils avaient tous deux douté quand elle s’était enfuie. Philippe la prit dans ses bras alors que Day s’occupait difficilement de Jarin. Il la regarda et la trouva belle, malgré ses blessures. Elle semblait seulement endormie. Ils les menèrent dans la zone sécurisée. Philippe déposa Thalie aux côtés de Jarin pendant qu’un soldat avançait sur eux. Ce dernier, en voyant son visage, eut un mouvement de recul avant de se mettre à genoux et de baisser la tête.
“- Majesté…”
Day eut un hoquet de stupeur, mais n’avait pas la force de poser de questions. Philippe eut un mouvement de tête vers le soldat avant de lui demander d’aller chercher le général. Ce dernier, tout comme son subordonné eut un moment d’arrêt avant de s’incliner respectueusement. Il avait l’air ému par son retour :
“- Sire… On vous cherche depuis si longtemps…
- Combien ?
- Dix ans, Sire.”
Philippe ferma les yeux avant d’inspirer brusquement :
“- Cela m’a paru être cent ans…”
Un gémissement de la part de Jarin le sortit de ses pensées et il ordonna à ce qu’il soit déconnecté, tout comme Thalie, avant que ces derniers ne meurent, les piégeant à jamais. Il avait peine à croire qu’il était enfin sorti de ce cauchemar. Un rêve d’un siècle qui prenait fin. Jeune Prince de 16 ans, il était entré dans le monde virtuel bien trop sûr de lui. Il pensait à tort qu’il était invincible. Sa garnison s’était faite tuée par le dragon Maléfique et il s’était retrouvé piégé par les gobelins. Durant de longues années, ils l’avaient torturé, s’étaient amusés avec lui avant de l’oublier dans un cercueil de pierre dans lequel il avait comme dormi, gardant espoir qu’un jour, on le retrouverait. Et c’était enfin arrivé. Grâce à une jeune femme dont il ne connaissait même pas le nom… Philippe se tourna vers Day pour lui demander des informations :
“- Qu’est-ce que tu sais sur elle ?”
Day leva les mains devant lui, navré d’avance :
“- Seulement que sa grand-mère s’appelle Nymphe…”
Philippe le remercia d’un hochement de tête et Day se déconnecta, pressé de retrouver son amant. Le Prince apprécia le moment. Il était en sécurité. Il était vivant. Et il allait retrouver son monde après dix ans d’absence qui lui avait paru être un siècle.
Quand il ouvrit les yeux sur le monde réel, il ne souhaitait qu’une chose : la retrouver.
-zZzZzZzZz-
Thalie était aussitôt rentrée embrasser sa grand-mère, sans passer par la banque. Elle avait congédié la gardienne sans la payer, lui promettant un paiement le lendemain. Son regard devait être suffisamment expressif, car elle ne chercha pas plus loin et partit rapidement. Nymphe chercha à savoir ce qui bouleversait autant la jeune femme, mais celle-ci ne dit rien, se contentant de sa présence rassurante.
Elle avait arrêté les missions pendant quelques jours. Lorsqu’elle était allée à la banque le lendemain, elle avait eu la surprise de voir son compte rempli comme jamais il ne l’avait été auparavant. Elle pensa amèrement que le butin n’avait pas été divisé aussi sévèrement que d’habitude. Économe, elle en avait placé une importante partie. Elle savait qu’elle devrait retourner sur le terrain une fois l’argent épuisé, mais pour l’instant, elle se remettait émotionnellement des derniers événements en restant cloîtrée chez elle. Elle pensait à Day, à Jarin, espérant malgré tout qu’il ait survécu et surtout à Philippe. Maintenant que le choc était passé, elle se demandait qui il était, ce qu’il faisait dans ce cercueil…
Un jour de pluie, alors que Thalie lisait un livre qu’elle avait acheté avec ses nouvelles économies -une folie- lorsque quelqu’un frappa à la porte. Sur ses gardes, la jeune femme demanda à Nymphe d’aller dans sa chambre, bien qu’elle sache qu’elle ne lui obéirait pas et rangea un couteau dans sa ceinture. Prenant le visage le plus dur qui soit, elle ouvrit la porte.
Un jeune homme roux, environ la trentaine, se tenait sur le pas de la porte, ses yeux verts fixant intensément Thalie. Il sourit, révélant deux fossettes recouvertes de taches de rousseur avant de dire :
“- Thalie ! Je me présente, je suis le Prince Philippe…”
Il n’eut pas le temps de finir sa présentation que Nymphe, située juste derrière Thalie, s’exclama en frappant dans ses mains :
“- Je le savais !”