Lecture d'un chapitre
2 « Cendrillon & Hansel et Gretel »
1 « Le masque brisé »
Publié par Beatrice Aubeterre, le samedi 17 mai 2014

« Encore trois à contrôler, deux à huiler et quatre à remonter... »

Du dos de la main, Cinder repoussa une mèche rebelle de son visage couvert de taches de graisse. Il sourit à la rangée d'automates en face de lui : Socrate, le vieux sage barbu et grognon qui répondait à toutes les questions par une maxime écrite sur un carton de couleur ; Lola, la danseuse, avec son doux sourire et sa jupe de fer blanc dont les lames se soulevaient quand elle tournait ; Loustic, le petit voyou à la casquette trop large, qui faisait les poches et nouait les lacets des spectateurs trop naïfs... Et ce n'était là que les plus remarquables : il y en avait bien une cinquantaine, tous amoureusement assemblés par sa mère, chacun avec sa personnalité, ses rouages grippés, ses pointes d'oxydation, ses petits défauts d'animation...

Il finit de graisser le genou récalcitrant de Lola puis s'occupa de la main gauche de Socrate, dont l'annulaire coinçait. Une fois ce travail achevé, il devrait encore ranger et nettoyer tout l'atelier. Il leva les yeux vers la pendule suspendue au-dessus la porte : onze heures déjà... Il devait être debout dès six heures le lendemain, pour conduire les automates chez les clients qui désiraient les louer, puis rentrer à temps pour porter leur repas à son beau-père et ses deux fils, qui tenaient un étal à la foire universelle de Svenne.

Sa mère, Annet Kloze, avait été l'une des ingénieures les plus estimées du Matriarcat, pour son talent à imaginer des automates aux fonctions plus complexes les unes que les autres. Veuve très tôt, elle avait dû élever seule son fils unique tout en dirigeant l'atelier. Quand elle avait rencontré Viktor Ash, un veuf père de deux garçons, elle avait jugé leur union avantageuse. Viktor était un bel homme, réservé et aimable, dont les cheveux noirs grisonnaient élégamment aux tempes. Ses talents d'orfèvre avaient contribué à améliorer l'apparence des productions de l'atelier.

Cinder ne s'était jamais entendu avec ses deux beaux-frères, Ludvik et Piter : un peu plus âgés que lui, ils n'avaient aucun goût pour la mécanique, préférant aller se pavaner en ville dans leurs beaux habits pendant que le garçon travaillait dur sous l'apprentissage de sa mère. Après la mort précoce d'Annet, Viktor avait révélé sa vraie nature : avide et ivre de reconnaissance, il avait tant raboté les salaires que tous les employés avaient fui l'atelier. Il aurait sans doute vendu tous les automates s'il ne s'était pas soudain avisé qu'il n'avait plus personne pour en construire - à part Cinder, qui n'avait même pas pu achever son apprentissage.

Les trois Ash traitaient le jeune Kloze, qui venait d'avoir seize ans, pire qu'un domestique. Viktor avait même décrété que puisqu'il semblait plus à l'aise avec les automates qu'avec les humains, il ne coucherait plus dans la maison au-dessus de la boutique, mais dans l'atelier. Cinder savait qu'en théorie, l'affaire lui appartenait pour moitié : mais en tant que garçon mineur, il lui était difficile de faire valoir son bon droit auprès du Matriarcat.

Il était deux heures du matin quand il eut enfin achevé toutes ses tâches ; il s'effondra sur sa maigre couche, le visage tourné vers la haute verrière à travers laquelle il entrevoyait quelques étoiles froides et scintillantes et, parfois, un rayon de lune.

A six heures précises, l'horloge carillonna son air familier. Cinder se leva en soupirant : par la verrière, une clarté grisâtre commençait tout juste à poindre. Il se lava rapidement à l'eau froide puis enfila des vêtements propres, un peu serrés et rapiécés de toutes parts. Il vérifia sur le registre de la boutique les livraisons du matin : les musiciens du quatuor à corde étaient attendus au plus tôt pour la réception d’anniversaire d'une proche de la Matriarche.

Il se sentait fatigué de sa courte nuit, mais la perspective de parcourir la cité-état de Svenne éclairait sa journée. Il déjeuna rapidement d'une pomme et d'un morceau de pain, puis se rendit dans le coin du hangar où dormait Clopin, le cheval mécanique. Il était attelé à un chariot léger entouré d'une rambarde de fer forgé, où était inscrit : « Ash et Kloze, plus vivants que vivants ».

Cinder poussa le bouton dissimulé sous les crins artificiels, activant le mécanisme : le cheval releva l'encolure, bailla largement et remua les oreilles. Puis il alla chercher le quatuor ; parfaitement disciplinés, les musiciens montèrent en file indienne et s'installèrent sur les bancs de part et d'autre de la carriole. Dans ce singulier équipage, il quitta le hangar.

Il sourit en sentant le soleil tomber sur son visage. Autour de lui, se dressaient les pimpantes façades de Svenne, peintes de couleurs claires et lumineuses ; les toits de tuiles rouge-orangé s'escamotaient derrière les façades en escalier. Les gens du quartier lui adressaient de grands saluts chaleureux.

Sa cliente habitait en dehors de la ville ; au bout d'une bonne demi-heure, il arriva aux abords d'une grande propriété, encerclée par un mur de pierre qui la dissimulait à la vue des curieux. Un portail de fer forgé décoré d'entrelacs floraux barrait le chemin menant vers une grande demeure blanche, ornée d'un fronton et d'une colonnade à l'antique. Il descendit pour sonner la cloche annonçant les visiteurs, espérant qu'on l'entendrait de si loin. Au bout d'une éternité, il vit arriver une belle et grande femme d'une cinquantaine d'années, suivie d'un homme mince en livrée sombre.

« La Grande Ingénieure soit louée, vous êtes là ! s'écria-t-elle d'un ton soulagé. Karel, pouvez-vous ouvrir le portail à notre visiteur ?

— Tout de suite, madame Valkis. »

Une fois l'accès dégagé, il fit avancer au pas la charrette jusqu'à la vaste étendue de gravier devant le porche et sauta à terre pour faire descendre les quatre musiciens. La femme leva son pince-nez et le scruta avec curiosité :

« Ne seriez-vous pas Cindervale Kloze ? J'ai bien connu votre pauvre mère. Une femme admirable. Allez-vous lui succéder à la tête de l'atelier ?

— Lui succéder ? »

Cinder esquissa une légère grimace :

« Comme vous le savez sans doute, répondit-il évasivement, elle a épousé monsieur Viktor Ash et a fait de lui son associé. Pour l'instant, c'est lui qui dirige tout. Pouvez-vous me montrer la salle de bal ?

— Oui, oui, bien sûr ! Suivez-moi ! »

Elle le conduisit dans une pièce immense, éclairée par de vastes baies vitrées et décorée de hauts pilastres dorés. De grands lustres, comme des arbres de cristal plantés dans le plafond, étincelaient de mille feux. Le sol de parquet blond piégeait des reflets de miel. Madame Valkis lui désigna une petite estrade, vers laquelle Cinder conduisit le quatuor. Des trépieds surgirent du bas de leur dos, les dispensant d’utiliser des chaises. Ils mirent en place leur instrument et levèrent la tête dans une position inspirée. Le soleil matinal faisait briller leur épiderme cuivré et leur chevelure de bronze.

« Voilà ! déclara l'hôtesse avec satisfaction. Vous n'avez plus qu'à expliquer à Karel comment programmer les airs que joueront ces charmants musiciens. Mais avant... J'avais une question à vous poser.

— Laquelle, madame Valkis ?

— En tant que membre du comité d'organisation des grands événements du Matriarcat, je voulais savoir si la maison Ash et Kloze allait participer à la Grande Présentation. »

Cinder la fixa avec surprise:

« La Grande Présentation ? »

Madame Valkis fit claquer sa langue contre son palais :

« Vous n'êtes pas au courant ? Pourtant, la maison Ash et Kloze en a bien été informée, comme tous les ateliers de Svenne, avec consigne de prévenir tous ses employés... »

Il secoua lentement la tête :

« Je suis navré, madame, mais on ne m'a rien dit. »

La brave femme tripota son pince-nez d'un air préoccupé.

« Voilà qui est fâcheux. Pour faire bref, la matriarche est très préoccupée par l'état de sa fille. Cette jeune personne est atteinte d'une timidité maladive qui lui fait fuir toute présence autre que celle de ses proches. Cette pauvre enfant connaît une terrible solitude et notre bien-aimée matriarche cherche moyen de la distraire. Aussi, a-t-elle décidé d'inviter tous les fabricants d'automates, ainsi que leurs employés, à venir présenter à la cour l'une des œuvres de leur atelier. Celle ou celui qui montrera une machine capable de retenir l'attention de la jeune fille sera promu maître-automate de la cour matriarcale. »

Le jeune garçon hocha la tête, comprenant que Viktor l'avait sans doute volontairement tenu dans l'ignorance, par crainte de le voir concurrencer ses fils.

« Si vous n'avez pas été signalé, vous n'avez logiquement pas pu recevoir d'invitation, reprit madame Valkis. Karel, pouvez-vous venir, s'il vous plaît ? »

L'homme s'approcha d'elle ; elle lui parla brièvement à l'oreille.

« Bien, madame », répondit-il avant de s'éloigner.

Elle tapota amicalement le bras de Cinder :

« Ne vous inquiétez pas, mon enfant, nous allons tout arranger. En attendant, que diriez-vous d'un verre de limonade ? »

Cinder passa un excellent moment chez madame Valkis, qui le régala de massepains, de limonade et de récits cocasses. Alors qu'elle le raccompagnait à sa charrette, Karel s'approcha pour lui remettre une enveloppe.

« Voici une petite gratification pour vous remercier de la livraison et de cet agréable moment, expliqua madame Valkis. Promettez-moi de ne l'ouvrir que lorsque vous serez rentré chez vous.

— Vous avez ma parole », répondit le garçon solennellement.

Il glissa l'enveloppe dans la poche intérieure de son gilet râpé. Après avoir adressé ses adieux à la maîtresse de maison et à son domestique, il remonta sur son siège et ordonna à Clopin de rentrer. Quand il parvint enfin à l’atelier, Viktor l'attendait avec une expression sévère :

« Tu ne rentres que seulement ? File immédiatement dans le hangar, tu dois réviser Johan et Alcyon. »

Johan était un prince de conte de fée, avec un habit à l'ancienne et un chapeau orné d'une plume de métal et Alcyon, un charmant adolescent aux boucles dorées, qui offrait des fleurs aux jeunes filles et leur donnait le bras.

« Nous partons chez le tailleur. Nous ne serons pas rentrés avant trois heures. Arrange-toi pour que le travail soit fait.

— Oui, père », répondit-il sombrement.

Il ne faisait aucun doute que Ludvik et Piter prévoyaient d'amener les deux automates à la Grande Présentation. Comme à chaque fois qu'il ressentait de la tristesse ou la colère, Cinder grimpa dans la charpente du hangar et se percha sur une poutrelle, les bras autour des genoux. Sentant quelque chose se froisser dans son gilet, il se rappela l'enveloppe confiée par madame Valkis : avec précaution, il la tira de sa poche et l'ouvrit.

Elle contenait deux cartons : le premier était un avoir chez une fripière de la ville, maîtresse Ciso, pour un habit d'occasion. Sur le second, frappé d'un liseré doré et illustré de rouages, figurait en caractères ornés le mot « Invitation ». Une main soigneuse y avait inscrit « Cindervale Kloze » ; le tout était authentifié par le sceau du Matriarcat.

Il sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine : un coup de chiffon sur Alcyon et Johan suffirait bien : Piter et Ludvik ne feraient pas la différence. Ce qui lui laissait deux bonnes heures pour filer chez maîtresse Ciso.

La semaine passa comme dans un rêve : un tourbillon d'activité emportait la maison Ash et Kloze. La Grande Présentation n'était plus un secret, mais Cinder avait soigneusement dissimulé son intention de s'y rendre. Maîtresse Ciso lui avait trouvé une tenue de velours vert bronze, avec un gilet de soie couleur d'or pâle, qui avait à peine été porté. Il avait choisi de présenter Loustic ; ce dont la jeune fille avait besoin, ce n'était pas d'un prince charmant, joli mais ennuyeux, mais d'un personnage qui la ferait rire et sourire. Combien de fois ce petit automate facétieux avait-il distrait ses chagrins d'enfant ?

Le soir venu, tout le monde s'entassa dans la carriole tirée par Clopin : Alcyon et Johan, Piter et Ludvik, et même monsieur Ash qui s’installa sur le siège à côté de Cinder, au grand désarroi du garçon. Il avait dissimulé son beau costume sous son grand manteau râpé, boutonné jusqu'en haut du cou. Ses beaux-frères avaient revêtus des habits de soie, rouge pour Ludvik et bleu pour Piter, avec des chemises à haut col qui les faisaient paraître aussi raides que leurs automates.

Comme tous les habitants de la ville, Cinder connaissait bien le palais du Matriarcat, une grande bâtisse aux allures de temple antique. Mais ce soir-là, devant la colonnade du portique, se pressait une véritable foule d'humains et surtout d'automates : il y en avait de toutes les formes, de toutes les tailles, des jeunes gens, des enfants, des animaux même, parfois dressés sur leurs pattes arrière et habillés d'élégants vêtements, parfois imitant au plus près la nature. Certains semblaient très rudimentaires, avec tous leurs rouages apparents, d'autres étaient de véritables œuvres d'art, admirablement façonnées et ciselées dans des matériaux précieux.

Ceux qui venaient les présenter appartenaient à toutes les classes de la société : femmes et hommes, directrices et directeurs à la mise recherchée, ouvrières et ouvriers à la vêture plus modeste... Voitures mécaniques ou tirées par des automates disputaient la place à quelques rares véhicules à traction animale.

Victor se tourna vers Cinder :

« Tu rentreras à l'atelier dès que nous serons dans le palais. Tu pourras repasser dans deux heures pour venir nous chercher. »

Cinder hocha la tête, soulagé. Il pourrait feindre de partir et revenir discrètement avec Loustic un peu plus tard. Il mit un certain temps à trouver assez de place pour garer la charrette. Piter et Ludvik piaffaient d'impatience et leur nervosité les poussa à se chercher querelle sitôt descendus :

« Comme si ton pitoyable Alcyon avait la moindre chance face à Johan ! lança l'aîné avec arrogance.

— C'est ton Johan qui est pitoyable, rétorqua le plus jeune.

— Un peu de tenue, mes enfants, commanda sévèrement Viktor. Vérifiez que vous avez bien vos cartons d'admission. Et toi, Cinder, qu'en penses-tu ? demanda-t-il au jeune garçon, d'une voix ironique.

— Je n'en ai aucune idée, répondit-il nerveusement.

— Tu les connais bien, pourtant. C'est ta mère qui les a conçus, après tout. Regrettes-tu ne pas participer, toi aussi ?

— Non, pas du tout, marmonna-t-il.

— Vraiment, Cindervale ? C'est surprenant. »

Il avala péniblement sa salive :

« Ludvik... ou Piter... représenteront bien mieux Ash et Kloze que moi.

— Effectivement, Cinder, répondit Viktor avec un sourire doucereux. Alors dis-moi... Qu'y a-t-il sous la bâche au fond de la carriole ? »

Le garçon sentit son cœur plonger : il avait espéré que Viktor ne repairerait pas son chargement secret.

« Je... J'ai pris de l'avance pour les commandes de demain.

— Eh bien, voyons donc de quoi il s'agit... »

Il tira la toile, laissant apparaître Loustic. Il le contempla longuement, avant de se tourner vers son beau-fils :

« A mon souvenir, personne n'a réclamé ce petit automate pouilleux. J'espère que tu ne comptais pas... le présenter ? »

Le garçon ne trouva rien à répondre.

« Ôte ton manteau et donne-le moi ! » ordonna Viktor.

Cinder recula de quelques pas, pour se cogner contre ses beaux-frères qui lui coupaient toute retraite. La mort dans l'âme, il déboutonna le vêtement et le tendit à son beau-père. Ce dernier considéra avec amusement le costume de velours vert :

« Te voilà bien habillé pour quelqu'un qui n'avait aucun projet particulier. »

Il glissa la main dans la poche intérieure du manteau et en tira l'enveloppe, qu'il contempla avec intérêt :

« Je ne sais pas où tu as eu cela... Mais ce que je sais, par contre, c'est que sans cette invitation, tu n'entreras pas au palais. »

Levant l'enveloppe, il la déchira en petits morceaux qu'il laissa tomber en pluie blanche sur le sol. Cinder contempla les débris, bouche-bée, incapable même de protester.

« Nous réglerons cela plus tard. Va à présent. Et ne t'avise pas à me cacher quoi que ce soit d'autre, ou la punition qui t'attend sera plus dure encore. »

La mort dans l'âme, maudissant sa faiblesse, le jeune garçon remonta sur la charrette et commanda à Clopin de prendre le chemin du retour. Il ne savait même plus pourquoi il avait tenté cette aventure. Souhaitait-il soulager cette jeune fille si seule ? Ou échapper lui-même à sa triste situation ? Tout se noyait dans un tourbillon de sombres pensées.

Assis sur sa maigre couche, Cinder regardait tristement la nuit tomber, quand il entendit le son de la cloche à l'entrée de la boutique. Qui pouvait bien venir si tard, juste le soir de la Grande Présentation ? Il se dirigea vers l'entrée : à travers la porte vitrée, il distingua un homme en habits de travail et casquette grise, avec un visage ordinaire et des yeux pénétrants sous d'épais sourcils bruns.

Habituellement, à cette heure, la boutique était fermée, mais Viktor serait encore plus furieux s'il apprenait qu'il avait renvoyé un client. Il déverrouilla le battant :

« Excusez-moi, bafouilla-t-il. Vous voulez louer un automate ? Ou... en acheter un ? Ou peut-être en faire réparer un ? Ou en command...

— C'est pour louer, le coupa l'homme. Puis-je entrer ? »

Cinder s'effaça pour laisser son visiteur pénétrer dans la boutique.

« Asseyez-vous ! s'exclama-t-il. Quel style d'automate voulez-vous ? Je peux vous montrer notre catalogue si vous le désirez. »

L'homme demeura debout, contemplant avec curiosité les belles pièces de machinerie exposées sur les étagères.

« Peu importe, répondit-il enfin. Ce qui conviendra pour la Grande Présentation. »

Le garçon le fixa avec surprise :

« Vous voulez amener à la Grande Présentation l'automate d'un autre atelier ?

— Croyez-vous que je sois le seul à agir ainsi ? Je suis sûr que certains participants approchent un automate pour la première fois ! » répondit l'homme avec amusement.

Il devait en effet y en avoir plus d'un... A commencer par Ludvik et Piter, qui n'avaient jamais touché un rouage et se pavanaient avec les créations de sa mère.

« Pourquoi n'êtes-vous pas à la Présentation ? demanda subitement le visiteur. Vous semblez habillé pour... »

Le garçon baissa les yeux vers son costume de velours vert, qui lui semblait bien ridicule à présent.

« Je... j'ai changé d'avis, répondit-il évasivement. De toute façon, il n'y avait aucune chance que mon automate soit retenu.

— Lequel aviez-vous choisi ?

— Loustic, avoua-t-il ne baissant la tête. C'est un jeune garnement. Voleur et farceur. Il a été longtemps mon seul ami. Alors j'ai pensé... qu'il pouvait faire sourire cette jeune fille, comme il m'avait fait sourire.

— Votre meilleur ami ? Et vous étiez prêt à le lui offrir ? s'étonna l'homme.

— Je sais ce que c'est de se sentir seul, sans personne à qui se confier. Mais... je n'ai plus mon invitation », avoua-t-il piteusement.

Une idée fulgura dans son esprit :

« Mais si je vous le loue, peut-être pourra-t-il être choisi quand même ? Attendez-moi ici ! Je vais vous le chercher tout de suite ! » s'écria-t-il en bondissant sur ses pieds.

Il se précipitait déjà vers l'atelier, mais le visiteur le saisit par l'épaule pour le retenir :

« Attendez un peu. Vous me semblez un brave garçon... Mais croyez-vous réellement qu'un automate peut offrir le bonheur à cette jeune fille ? »

Cinder observa un silence pensif. Après la mort d'Annet, Loustic avait distrait son chagrin et lui avait offert un peu de réconfort quand ses pensées devenaient trop sombres ou les brimades de Viktor Ash trop pénibles. Et cependant, s'il avait eu le choix, il aurait préféré un véritable ami, quelqu'un qui aurait été capable de l'écouter et de le comprendre.

« Non, soupira-t-il, vous avez sans doute raison. Mais elle ne supporte pas la compagnie des êtres humains, alors un automate devra suffire. »

L'homme hocha gravement la tête :

« Je vois. Asseyez-vous, mon garçon. »

Il obéit, avec un peu d'hésitation, curieux d'entendre ce que l'homme avait à lui dire. Ce dernier se pencha vers lui, baissant légèrement la voix :

« On dit que si la jeune fille fuit les humains, c'est parce qu'elle ne supporte plus leur dureté et leur insensibilité. Mais vous, en dépit des épreuves que vous avez subies, vous êtes resté plein de générosité et de bonté. »

Le jeune garçon ressentit une étrange chaleur au fond de son cœur en entendant ces paroles, mais la réalité le rattrapa cruellement :

« Ce n'est pas, hélas, ce qui peut changer le mon destin ou le sien, soupira-t-il.

— Parce qu'elle n'a pas eu la chance de vous rencontrer. Je vais me rendre à la Grande Présentation, mais pas avec Loustic... »

Il tendit sa main au garçon :

« Je ne pense pas m'être présenté... Je m'appelle Simeon. »

Cinder était terrifié à l'idée d'être découvert, mais personne ne semblait faire attention à lui. Ses traits disparaissaient derrière un masque de métal – un visage d'automate qui n'avait jamais été utilisé. Il portait un costume emprunté à l'un de ses protégés, le jeune page Gawain. Même ses cheveux se dissimulaient sous une perruque de boucles métalliques. Il s'efforçait d'adopter des gestes raides et saccadés, comme si tout son corps avait été fait de métal.

Au palais matriarcal, les derniers participants se pressaient près de l'entrée. Heureusement pour lui, Viktor et ses deux fils n'étaient nulle part en vue. Une main sur son épaule, Simeon le guida vers la gardesse en livrée qui vérifiait les cartons d'invitation.

« Ne tardez pas, leur lança-t-elle sèchement. La Présentation se termine dans une demi-heure. »

Simeon lui tendit le document, qu'elle vérifia attentivement :

« C'est bon pour vous et pour votre Gawain. Veuillez vous mettre en file ici ! »

Elle lui désigna une antichambre où patientaient encore une dizaine d'humains et d'automates : la plupart figuraient de jolis jeunes gens, mais il y avait aussi un petit singe en livrée de colonel, un joli chat violoniste et une fée aux splendides ailes filigranées. Cinder se sentait bien banal à côté de ces merveilles.

Au bout d'une éternité, Simeon fut enfin appelé à montrer sa création. Ils entrèrent dans une vaste salle ornée de tapisseries anciennes, où la lumière cascadait de lustres plus énormes encore que ceux de la maison de madame Valkis. Un tapis rouge bordé de frises à l’antique traçait un chemin vers un dais, sous lequel s'élevaient deux sièges : un doré, d'allure majestueuse, où trônait la matriarche, et un autre argenté, plus gracieux, où était assise sa fille. De part et d'autre de l'estrade, deux gardesses veillaient à la sécurité de leur souveraine.

La matriarche de Svenne était une belle et grande femme d'une quarantaine d'années, dont les boucles blondes s'empilaient en un chignon complexe. Elle portait une veste grenat, chamarrée d'or, par-dessus une jupe culotte et de hautes bottes. Mais le regard de Cinder se porta surtout vers la jeune fille : elle ne devait pas avoir plus de quatorze ou quinze ans. Ses boucles cendrées avaient été relevées par un ruban lilas, de la même couleur que son corsage à haut col. Son visage pâle, aux traits délicats, demeurait baissé vers ses mains, serrées l'une contre l'autre comme pour les empêcher de trembler.

Simeon s'avança vers la matriarche et s'inclina profondément :

« Votre Excellence, déclara-t-il, j'ai l'honneur de vous présenter mon automate Gawain. »

D'un pas mécanique, Cinder s’avança et plongea en une profonde révérence devant la jeune fille, qui se renfonça dans son siège en rougissant.

« Il n'a rien de particulier, déclara la Matriarche avec un geste désinvolte de la main. Que sait-il faire, à part trois ou quatre gestes répétitifs ?

— C'est bien là toute la magie qui l'anime, répondit Simeon avec un sourire respectueux. Il est capable d'une incroyable variété de séquences. »

Il se tourna vers Cinder, qui lui adressa un léger signe de tête avant de s'approcher de la jeune fille ; quand les gardesses voulurent s'interposer, il leva les bras comme pour se protéger et tomba sur un genou, le visage levé de façon suppliante vers les femmes armées. Un son cristallin retentit ; surprise d'entendre son propre rire, la fille de la matriarche plaqua une main sur sa bouche et abaissa vers le garçon deux grands yeux sombres, remplis d'un intérêt timide.

Les occupants de la salle tournèrent vers elle un regard surpris mais, déjà, elle avait repris son attitude prostrée. Seul l’éclat attentif de ses prunelles témoignait d'un intérêt réel. Cinder plaça une main sur son cœur et pencha la tête sur le côté. L'ombre d'un sourire joua comme un papillon farouche sur les lèvres un peu tremblantes de la jeune fille. Elle se tourna vers sa mère et lui chuchota quelque chose. La Matriarche demeura un instant pensive, avant de déclarer :

« Il semble que votre automate ne soit pas aussi banal que cela aux yeux de ma fille. Elle souhaite passer un peu de temps en sa compagnie. Pouvez-vous vous retirer ? »

Simeon s'inclina profondément :

« Comme le souhaite son excellence. »

Il se dirigea vers la sortie, escorté par l'une des gardesses. Cinder sentit son cœur sombrer dans sa poitrine ; sans l'ouvrier, il se sentait soudain très seul.

« Vous pouvez aller dans le jardin, déclara la matriarche. Mais je tiens à ce que deux gardesses vous accompagnent. Qui sait si cet automate ne peut pas devenir incontrôlable ou dangereux ? »

La jeune fille hocha la tête. Elle se leva dans un léger froufrou de jupons et tendit la main vers « Gawain », qui y plaça maladroitement la sienne.

Les gardesses ouvrirent la porte-fenêtre qui donnait sur le parc. La jeune fille entraîna Cinder dans l'air un peu piquant du soir, au milieu d'un labyrinthe de buissons encrés par le crépuscule. Une odeur de fleurs et d'herbes aromatiques montait des plates-bandes ; les oiseaux nocturnes saluèrent leur arrivée d'une série de trilles. Elle le mena vers un petit banc, dans une gloriette blanche prise d’assaut par une glycine et de longues tiges de chèvrefeuille. Cinder s'assit, le dos raide, les mains posées sur ses cuisses, tandis qu'elle s'installait à côté de lui.

« Gawain. Je peux t'appeler comme cela ? Je ne sais si tu es conçu pour reconnaître ton nom. Le mien est Elsebeth. »

Elle lança un coup d’œil dans sa direction, sans doute déçue par son absence apparente de réaction.

« Je sais que tu n'es pas réellement vivant, poursuivit Elsebeth d'une voix douce, mais plus assurée. Mais je me sens moins seule avec toi. »

Elle baissa la tête, effleurant le tissu plissé de sa longue jupe grise :

« Je sais ce que tu me dirais si tu pouvais parler... Comment puis-je être seule dans un palais rempli de personnes qui exhaussent le moindre de mes désirs ? En réalité, c'est terrible d'être la fille de la matriarche. La plupart des gens me jugent et ne me trouvent pas digne de lui succéder un jour. Alors, poursuivit-elle plus faiblement, j'ai décidé de ne plus exister pour eux. »

Elle plongea son regard dans celui de Cinder :

« Ton créateur t'a donné de jolis yeux, fit-elle en tendant ses doigts fins vers le visage de métal. Un peu ambrés. C'est dommage que... »

Il se recula légèrement ; elle laissa retomber sa main.

« Pardon, fit-elle d'un air confus. Je n'aurais peut-être pas dû... »

La tristesse qui commençait à fuir son visage y réapparut subitement. Cinder se leva et cueillit entre le pouce et l'index un brin de chèvrefeuille qu'il lui tendit en s'inclinant. Un sourire s'épanouit sur son visage.

« Oh, merci ! »

Elle en respira le doux parfum avant de la piquer derrière son oreille. Sa main se posa sur le gant épais qui dissimulait celle de chair et d'os de Cinder :

« Je sais que tu ne peux pas me comprendre, mais si tu savais le nombre de fois où j'ai rêvé d'une attention telle que celle-là, une attention qui n'est jamais venue... Si certains ont des égards pour moi, c'est uniquement pour acheter les faveurs de ma mère. »

Elle haussa les épaules les épaules avec résignation.

« Même cette présentation... Ceux qui sont venus ne cherchent que leur profit et leur carrière. Toi, tu n'attends rien de moi. Même si tu es un automate, tu es plus attentionné que tous les garçons que j'ai pu approcher... Je voudrais que tu sois un vrai garçon... »

Elle soupira et tapota gentiment son bras :

« J'ai envie de te parler... Sans doute beaucoup de moi, même si ce n'est pas trop intéressant, mais je sais que tu ne te lasseras pas... »

Durant l'heure qui suivit, elle se confia à celui qu'elle croyait être une machine, lui avouant sa solitude, ses peines, ses tourments... Son sentiment de s'étioler dans une cage dorée comme un oiseau prisonnier, qui ne trouvait plus le cœur à chanter. Cinder écoutait, fasciné, et un peu coupable aussi de tromper la jeune fille. Mais pour rien au monde, il n'aurait voulu être ailleurs.

Le temps semblait s'être envolé, aussi léger qu'un duvet de chardon ; Cinder n'avait pas vu la nuit s'épaissir, même s'il faisait plus frais et que le ciel s'était piqué d'étoiles. Aussi faillit-il sursauter quand une gardesse s'approcha de la jeune fille :

« Mademoiselle, il est temps de rentrer et de rendre cet automate à son maître. Nous verrons demain les modalités pour lui offrir le poste promis et garder cet automate... »

En entendant ces paroles, Cinder se sentit trembler. Il ne pourrait éternellement jouer la comédie. Il était humain, il avait besoin de manger, de dormir. Et les automates de sa mère, que deviendraient-ils ? Qui pourrait les entretenir aussi bien que lui ? Combien d'entre eux seraient vendus ? Une vague de panique s'empara de lui. Il se leva précipitamment et recula d'un pas, heurtant la structure de la gloriette. L'attache du masque de métal lâcha et le visage ciselé tomba sur le sol où il se sépara en deux.

Paniqué, le garçon plaqua une main sur son visage découvert et, de l'autre, ramassa une moitié de masque. Déjà, les gardesses convergeaient vers lui. Il lança un dernier regard vers le visage perplexe d'Elsebeth avant de bondir vers la porte-fenêtre. Il traversa la salle à toute allure, et se dirigea droit vers la porte qui donnait sur l'antichambre, sous les yeux des militaires pétrifiées par la surprise. Ce ne fut qu'en entendant les hurlements de leur collègues, qui les exhortaient à attraper le garçon, qu'elles réagirent enfin : mais il était trop tard. Cinder avait atteint le couloir dans lequel il bondit comme un cabri effarouché.

« Attends ! » lança une voix vaguement familière, celle de Simeon. Mais l'injonction de l'homme ne suffit pas à l'arrêter. Il galopa à travers le vaste hall à présent désert, bondit au bas des marches sous la colonnade et se retrouva sur la place.

« Arrêtez ce garçon ! »

Il s'enfila dans une rue latérale, heureusement déserte, qu'il connaissait comme sa poche à force de sillonner la ville pour y apporter ses commandes. Il emprunta une échelle qui menait à une terrasse, par laquelle on pouvait aisément passer sur la toiture, au couvert du fronton en escalier. Les tuiles vernissées glissaient sous ses pieds, mais de toit en toit, il parvint rapidement à l'écheveau de rues que constituait la basse ville.

Il se laissa glisser le long d'une gouttière et atterrit dans une venelle étroite, dans laquelle il poursuivit sa course. Il ne s'arrêta que pour se débarrasser de ses frusques ; il fourra son costume en boule dans un vieux tonneau, ne gardant que sa chemise et son long caleçon de toile grise, et le demi-masque, qu'il glissa contre son cœur. Puis, à la seule lueur de la lune dans ce secteur sans réverbères, il se dirigea vers l'atelier.

Il entra par la porte de service à l'arrière du hangar. En voyant la carriole de Clopin sagement rangée là où il l'avait laissée, il réalisa qu'il avait oublié de retourner chercher son beau-père et ses deux fils. Le cœur battant, il se glissa dans la boutique : Alcyon et Johan s'y trouvaient, figés contre le mur. Il espéra que les Ash étaient montés directement et n'avait pas vérifié s'il se trouvait dans sa couche.

Il alla s'allonger dans son lit dur et étroit, tentant d'écarter de son esprit les événements de la soirée, même si l'inquiétude le tenaillait. Simeon avait-il pu échapper à l’arrestation, lui aussi ? Si ce n'était pas le cas, avait-il révélé la véritable identité de son « automate » à la maréchaussée du Matriarcat ? Il ferma les yeux et enfonça son visage dans son oreiller, serrant les poings pour endiguer sa peur.

Mais au bout d'un moment, il réalisa que ce n'était pas la crainte d'être arrêté qui envahissait son esprit : c'était l'image d'Elsebeth, le doux regard de ses yeux sombres, le contact aérien de sa main sur son bras. Souriant légèrement, il laissa le sommeil l'emporter enfin...

« Cinder ! » rugit la voix courroucée de son beau-père. Viktor Ash se tenait à côté de sa couche, le visage furieux.

« Il me semble, reprit-il d'une voix doucereuse, que tu as beaucoup à m'expliquer... pour hier soir. »

Le garçon se redressa, les yeux encore brouillés de sommeil, l'esprit empêtré dans des lambeaux de rêve où se mêlaient la foule des automates de la Présentation, des gardesses hautes comme des maisons de trois étages et la figure gracile d'Elsebeth. Viktor le gifla du revers de la main ; sous l'effet du choc et de la douleur cinglante, il sentit les larmes lui monter aux yeux. Mais il ne voulait pas donner à son beau-père la satisfaction de croire qu'il lui faisait peur. Il serra les dents et le regarda droit dans les yeux. Irrité par son attitude, Ash le saisit par le devant de sa chemise :

« J'ai toléré trop de choses de toi, petite vermine, uniquement par respect pour ta mère. J'ai été généreux et patient avec toi, et tu mords la main qui t'a nourri ! Tout d'abord en tentant d'usurper notre place à la Grande Présentation, et ensuite en nous laissant revenir comme des mendiants par les rues de la ville ! »

Il lâcha violemment le garçon :

« Mais à partir de maintenant, c'est terminé ! Tu vas payer pour tes insolences ! Tu vas rester enfermé dans l’atelier jour et nuit, et tu ne pourras plus d'aller baguenauder en faisant tes livraisons ! »

Cinder songea qu'après les événements de la veille, il n'avait plus grand chose à perdre. A côté de la perspective de finir dans une oubliette, les menaces de Viktor semblaient bien légères.

« Cependant, je suis prêt à te laisser une chance, une seule, reprit son beau-père en posant sur le lit un journal donc l'encre luisait encore, toute fraîche de la presse. Regarde. En première page. »

Le garçon saisit la feuille toute craquante sous ses doigts et écarquilla les yeux de surprise : une grande gravure représentait la moitié d'un visage de métal, artistiquement ciselé. Le demi-masque qu'il avait perdu la veille, dont l'autre partie se trouvait dissimulée sous son oreiller.

« Un petit malin a présenté un automate qui était en fait un garçon déguisé. La péronnelle de la matriarche s'est entichée de lui... mais il a fui et a disparu dans les rues sans que les gardesses du palais ne puissent le retrouver, de même que son faux concepteur. A présent, pour faire plaisir à sa fille, la matriarche veut le retrouver. Pour éviter que n'importe quel petit mendiant ne vienne prétendre qu'il est ce fameux automate, le palais demande à ce que le coupable se présente avec la seconde moitié de masque. Et regarde bien... »

Il désigna un petit symbole imprimé dans le métal du masque : une fleur à cinq pétales, avec trois sépales minces et légèrement torsadé. Le cindervale, la fleur qui poussait à côté du lac de Vienz, au nord du Matriarcat.

« Il a été fabriqué ici. Et je pense qu'en fouillant dans les affaires de ta mère, tu trouveras tout ce qu'il faut pour refaire la moitié manquante. Si personne ne s'est présenté au palais d'ici demain matin, la grande horlogère se rendra elle-même dans les différents ateliers. Le masque a intérêt à être prêt d'ici-là. Si c'est le cas, tu recouvreras ta liberté. Dans le cas contraire, tu ne reverras plus le ciel tant que je serai en vie. » »

Son beau-père pivota sur ses talons et se dirigea vers la porte de l’atelier. Cinder sentit son cœur plonger en entendant la clef tourner dans la serrure. Viktor avait sans doute pris la précaution de verrouiller les pores à l'arrière du hangar.

Ses doigts plongèrent sous l'oreiller, caressant le métal du masque : il n'avait pas besoin du matériel de sa mère pour créer la seconde moitié. Il lui suffirait de s'inspirer de la partie qu'il conservait. Le masque avait été composé en deux pièces, jointes par des tenons qui permettaient au visage de s'ouvrir pour avoir accès aux délicats mécanismes derrière la face. Il n'était pas si compliqué de refaçonner cette seconde moitié. Il ne resterait plus qu'à la ciseler à la ressemblance de la première moitié.

Mais il s'assurerait bien de ne pas utiliser un métal de même nuance que l'original. Après tout, la gravure du journal ne restituait pas la véritable nuance de l'alliage, ce doré très légèrement rosé qui était si caractéristique des visages créés par sa mère. Il s'étira et se leva : un lourd travail l'attendait, il ne pourrait sans doute pas se reposer avant le lendemain.

Aux ombres qui s'étiraient sous le hangar, le jour était bien avancé. Dans l'atelier, Cinder finissait de ciseler et polir l'objet, en y apportant tout son soin : sa mère n'aurait pas apprécié de le voir négliger un travail. Il fixa finalement les tenons qui bordaient le demi-masque puis s’effondra, épuisé, les doigts meurtris et les yeux brûlants.

Il ne parvint pas à dormir longtemps : au bout de deux heures seulement, il s'éveilla en sursaut. Un long gargouillis remonta dans son ventre, lui rappelant douloureusement qu'il n'avait pas mangé depuis plus d'une journée. Il sauta dans ses vêtements défraîchis, vissa sa casquette sur son crâne et se dirigea vers la boutique.

Son beau-père tenait le masque de Cinder entre ses mains ; il semblait très fier de lui-même, comme si l'objet avait été le fruit de son travail. Le garçon sentit son cœur se soulever à cette vision, mais plus encore quand il aperçut Ludvik et Piter, qui se rengorgeaient dans leurs habits de fête. Lequel des deux prétendrait avoir été le garçon-automate ? Il poussa un soupir et se plaqua contre le mur, espérant que les trois Ash ne le remarqueraient pas, tandis qu'il se glissait discrètement vers l'étage, dans l'espoir de chiper quelque chose à la cuisine.

Hélas, une lame de parquet craqua sous son pied, attirant l'attention malvenue de Viktor. Le long bras de ce dernier se tendit pour le saisir par le col. Le garçon affaibli ne trouva pas la force de se dégager, tandis que son beau-père le tirait au milieu de la pièce, et que ses deux beaux-frères le regardaient comme une espèce particulièrement répugnante de vermine.

« Je ne sais pas où tu vas comme ça, mais tu as intérêt à retourner d'où tu viens... gronda Ash.

— Mais j'ai fait ce que vous m'avez demandé, protesta-t-il.

— Et tu crois que cela te donne le droit de... »

Il ne termina pas sa diatribe : des coups vigoureux retentirent à la porte. Viktor lâcha Cinder et se précipita pour ouvrir, révélant une petite femme sèche dans une robe noire à l'ancienne mode, au nez chaussé de lorgnons. Elle portait autour de son cou, au bout d'une chaîne, une énorme montre ciselée. Une gardesse du palais l'escortait.

« Vous êtes bien Viktor Ash, de Ash et Kloze ? demanda-t-elle en consultant son calepin.

— Lui-même.

— Puis-je entrer ? »

Viktor s'effaça pour lui laisser le passage, ainsi qu'à la gardesse qui la suivait d'un air blasé.

« Mon nom est Temporea Calculus, déclara-t-elle sèchement, Grande Horlogère du Matriarcat. Ce masque est-il bien issu de votre atelier ? »

Elle tira de la sacoche qu'elle portait en bandoulière la moitié de masque que Cinder avait perdue dans sa fuite.

« J'ai cru reconnaître sur cette pièce le sceau de maîtresse Annet Kloze. Peut-être pouvez-vous nous aider à trouver son possesseur ? »

Son regard vif se promena dans la pièce, se posant tour à tour sur Ludvik, Piter et Cinder.

« Qui sont ces jeunes gens ? demanda-t-elle en ajustant ses lorgnons.

— Voici mes deux fils, Piter et Ludvik Ash.

— Et le garçon blond ?

— Juste un ouvrier, répliqua Viktor avec agacement.

— Ce n'est pas vrai ! s'écria Cinder, serrant les poings. Je suis Cindervale Kloze, le fils de maîtresse Annet Kloze ! »

L'horlogère le fixa pensivement :

« C'est possible... Vous n'êtes pas sans lui ressembler. »

Son beau-père le prit violemment par l'épaule et l'écarta de l'horlogère :

« Ne l'écoutez pas. C'est un menteur et à bon à rien. »

Avant qu'il puisse protester, Viktor le tira vers la porte du hangar et le précipita à l'intérieur. Il atterrit sur le dur sol dallé, étourdi par sa chute. Il se mit debout en frottant sa hanche endolorie et se précipita vers le battant, tentant de l'ouvrir, mais son beau-père avait déjà verrouillé la porte. Il tambourina contre le bois épais, mais ne réussit qu'à meurtrir ses mains déjà abîmées par le dur travail de la nuit.

Il se laissa tomber assis au pied du mur, entoura ses genoux de ses bras et contempla d'un regard morne la foule des automates. Soudain, il avisa Clopin et sa charrette : il connaissait la puissance que le cheval mécanique était capable de déployer. Il se précipita vers son lit pour prendre le masque sous son oreiller et le fourrer dans son gilet, puis il bondit sur la carriole et lança Clopin. L'automate démarra, d'abord lentement, puis prit progressivement de la vitesse. Cinder savait que le cheval serait endommagé par la collision, peut-être irrémédiablement... Il ferma les yeux, sentant un peu d'humidité s'en échapper.

« Pardonne-moi ! » murmura-t-il.

Le choc lui sembla terrible... Mais le mur n'était fait que de vieilles briques dont les joints s’effritaient. Quand elles s’effondrèrent, Cinder sentit des gravas pleuvoir sur lui. Un peu meurtri, il sauta au bas de la carriole, espérant qu'aucun passant occasionnel n'avait été blessé. L'enveloppe extérieure de Clopin était cabossée et enfoncée, mais ses mécanismes internes, à son grand soulagement, ne semblaient pas avoir été abîmés. Sans attendre, il fit le tour du pâté de maison pour se diriger vers la façade de la boutique. Il tourna avec précaution la poignée de la porte, et l'entrouvrit légèrement pour jeter un coup d’œil à l'intérieur.

A priori, personne n'avait entendu le fracas occasionné par son évasion. Madame Calculus était assise devant le bureau, la gardesse debout derrière elle. En face de lui, Viktor exhibait fièrement le demi-masque qu'il avait travaillé si dur à fabriquer.

« Je crains, fit-il d'un air faussement contrit, que mon fils Ludvik ne soit responsable de cette supercherie. Il a fait appel à un de mes anciens ouvriers afin de jouer le rôle de son concepteur... »

Derrière lui, le garçon brun baissait la tête, affichant une expression un peu honteuse.

« Vous m'en voyez navré. Il est cependant tout à fait prêt à accepter toutes les conséquences, s'il le faut. Il n'avait dans l'idée que le bien de cette pauvre jeune fille...

— Eh bien, répondit madame Calculus, je peux vous affirmer que s'il a bien incarné l'automate nommé Gawain, il ne risque pas la moindre peine. Grâce à son visiteur, la jeune Elsebeth a retrouvé sourire et goût de la vie.

— Voilà qui lui ressemble bien à mon fils... déclara Viktor d'un ton attendri.

— Montrez-moi donc ce masque. »

Viktor le lui remit solennellement ; l'horlogère rapprocha les deux moitiés avec soin : elles s'encastraient parfaitement l'une dans l'autre. Déjà, l'orfèvre jubilait, mais c'était sans compter le regard acéré de madame Calculus.

« Attendez, fit-elle en fronçant les sourcils. Ils ne sont pas réalisés dans le même métal. »

Elle pinça les lèvres et releva vers lui des yeux flamboyants :

« Monsieur Ash, auriez-vous cherché à me berner ? »

L’incompréhension se peignit sur le visage mince d'Ash, pour être lentement remplacée par une rage profonde :

« Ce sale petit rat ! » gronda-t-il.

Alarmée par le ton d'Ash, la gardesse s'était rapprochée pour protéger la femme dont elle devait assurer la sécurité.

« De qui voulez-vous parler ? » s'étonna madame Calculus.

Cinder se glissa dans la pièce et s'avança vers le bureau, en déclarant d'une voix ferme :

« De moi, sans doute ! »

L'horlogère se retourna subitement, regardant le jeune homme avec stupeur :

« Cindervale Kloze ? »

Il hocha la tête :

« C'est moi qui ait fait ce demi-masque, sur sa demande, expliqua-t-il.

— Et pourquoi avez-vous obéi ?

— Parce qu'il a menacé de me garder prisonnier dans la fabrique qui a appartenu à ma mère. »

Viktor fit le tour du bureau et s'approcha du garçon d'un air menaçant, mais la gardesse s'avança pour s'interposer entre eux :

« Ne touchez pas ce garçon, décréta l'horlogère. Je veux entendre ce qu'il a à dire. Après la façon dont vous l'avez rudoyé, je me pose des questions. Maîtresse Kloze n'aurait pas élevé un bon à rien. »

Elle saisit ses jupes et se leva avec précaution :

« Approchez, monsieur Kloze. Pourquoi dites-vous que votre beau-père voulait vous garder prisonnier ?

— Pour se servir de moi comme tâcheron. C'est ce qu'il fait depuis la mort de ma mère. »

Elle se tourna vers Viktor Ash :

« Est-ce vrai ?

— Il affabule, siffla-t-il entre ses dents. Comment pouvez-vous le croire une seconde ?

— Il m'a empêché de me rendre à la Présentation, poursuivit Cinder. Mais j'ai tout de même trouvé moyen de m'y rendre, ajouta-t-il en relevant fièrement le menton. D'ailleurs, j'ai quelque chose à vous montrer... »

Il plongea la main dans son gilet et en tira la moitié originale du masque, sous les yeux effarés de son beau-père. Mais avant qu'il ne puisse la remettre à l'horlogère, son beau-père s'en saisit, ouvrit la porte et la lança dans la rue. Une voiture à cheval roula dessus, le réduisant à l'état de morceau de métal tordu. Entre temps, la gardesse s'était saisie de Viktor et l'avait plaqué contre le mur d'une poigne solide. Ludvik et Piter regardaient la scène se dérouler sous leurs yeux d'un air stupéfait, sans dire le moindre mot, au point que tout le monde semblait avoir oublié leur présence.

« Mettez cet homme en état d'arrestation, je vous prie, fit l'horlogère d'un ton courroucé, pour atteinte à l'autorité matriarcale. Il sera difficile de savoir si ce demi-masque était le vrai... »

Cinder soupira, encore atterré par ce qui venait de se passer :

« Tout ce que je peux vous dire, madame Calculus, c'est que j'ai façonné le faux demi-masque à partir de la moitié que j'avais conservée. Par ailleurs, si dans la ruelle au Trois Chats, vous trouvez la tenue de l'automate Gawain roulée en boule dans un tonneau, sachez que j'en suis le responsable. »

Il baissa la tête :

« C'est bien moi, et non Ludvik qui a incarné ce rôle. Je suis navré de cette tromperie, je ne songeais pas à mal. Tout ce que je souhaite, c'est revoir mademoiselle Elsebeth encore une fois. »

Viktor Ash marmonna quelque chose mais la gardesse le fit taire promptement. L'horlogère le regarda gravement :

« Êtes-vous prêt à nous suivre ?

— Bien sûr, laissez-moi juste le temps de... »

Les mots moururent dans sa gorge. Un terrible étourdissement s'empara de lui et l'obscurité l’avala subitement, tandis qu’il entendait, comme de très loin, le cri d’alarme de madame Calculus.

La lumière qui s'obstinait à traverser ses paupières le tira d'un sommeil profond. Encore un peu endormi, il leva un bras pour se protéger les yeux de la lumière du jour.

« Monsieur Kloze ? Cindervale Kloze ? »

Il consentit à bouger son bras et à soulever les paupières d'une fraction. Une femme se tenait à ses côtés, portant la livrée du palais matriarcal :

« Comment vous sentez-vous ? »

Il fronça les sourcils, et s'avisa seulement que le lit où il reposait était bien plus confortable que la maigre couche du hangar.

« Vous devez manger un peu, et boire aussi. Quand vous aurez repris des forces, vous pourrez vous présenter à la matriarche. »

Elle désigna un plateau, déposé près du lit, garni d'une soupe fumante, de plusieurs tranches de pain frais et d'un grand verre d'une boisson à l'odeur florale. Sous le regard vigilant de la femme, il consomma ce repas léger. Il en profita pour regarder autour de lui : la chambre où il se trouvait était si vaste que l'appartement au-dessus de la boutique aurait pu y tenir en entier. Elle était meublée luxueusement d'acajou et de merisier, et plaquée de boiseries blanches rehaussées de dorures.

Il laissa son regard se porter sur la grande horloge posée sur la cheminée. Les aiguilles indiquaient dix heures.

« Depuis combien de temps suis-je ici ? s'étonna-t-il.

— Depuis hier, en fin de matinée, quand on vous a porté au Palais. Je vous ai déposé de nouveaux vêtements dans le cabinet de toilette. Ne tardez pas, la matriarche vous attend d'ici une heure.

- Merci... » bafouilla-t-il, peu habitué ces égards.

Une fois qu'elle fut partie, il se leva, tremblant légèrement sur ses jambes encore douloureuses de sa course effrénée, et se dirigea vers le cabinet de toilette isolé par un paravent décoré. Derrière, l'attendait un bain fumant ; après s'être débarrassé de ses habits, il pénétra dans l'eau chaude avec un soupir de bien-être.

Il ne devait hélas pas prendre de retard : avant même que l'eau commence à refroidir, il s'en extirpa et s'habilla rapidement, s'émerveillant de la douceur de la chemise blanche, de la beauté du gilet azur et de l'habit de soie bleu sombre, de l'élégance des souliers vernis à boucle d'argent.

Quand la femme revint, elle le complimenta sur sa belle allure et le mena vers une antichambre, où elle le fit asseoir dans un fauteuil profond en attendant que la matriarche soit prête à le recevoir. Cinder avait l'impression que le temps s'était arrêté, tant l'attente lui parut longue. Il se rassura en songeant que si l'on avait pris un tel soin de lui, ce n'était pas pour le jeter au fond d'un cachot.

Enfin, une gardesse à l’uniforme chargé de décorations se présenta devant lui :

« Cindervale Kloze ? Veuillez me suivre. »

Il se leva et emboîta le pas à la femme, qui ouvrit la porte capitonnée donnant sur le bureau de la matriarche. La pièce semblait tiré d'un rêve : sur toute la surface des murs ou presque, des étagères supportaient des livres reliés de cuir patiné, mais aussi de délicates mécaniques : pendules, scènes animées, planétariums... qui faisaient le renommée de la technocratie. La matriarche, assise derrière un vaste bureau de marqueterie, le fixa d'un regard scrutateur :

« Ainsi, vous êtes le jeune Kloze ? Veuillez prendre un siège. »

Le garçon, la bouche sèche, s'assit avec raideur dans l'un des larges fauteuils disposés devant le bureau.

« Avez-vous conscience de ce que vous avez fait ? » poursuivit-elle d'un ton sévère.

Il hocha timidement la tête :

« Votre excellence, je me suis conduit... comme un escroc. Je me suis fait passer pour un automate, trompant les autorités du Matriarcat. Je me suis introduit auprès de mademoiselle Elsebeth alors qu'elle ne désirait la présence d'aucune... vraie personne auprès d'elle...

— Pourquoi avez-vous agi ainsi ? »

Il se mordilla la lèvre, cherchant quoi répondre sans impliquer Simeon.

« Je... je me sens très seul depuis la mort de ma mère, maîtresse Annet Kloze. C'est pourquoi j'ai pensé que mademoiselle Elsebeth avait peut-être besoin d'une vraie compagnie, même si elle l'ignorait. Je regrette de lui avoir menti... »

La matriarche hocha la tête :

« Je vois que vous avez conscience de vos erreurs. Mais tout le monde peut se tromper, et en l’occurrence, votre jugement s'est révélé plutôt bon. Aussi vais-je vous faire une proposition : madame Calculus a besoin d'un apprenti... et à terme, d'un futur successeur. Même si cette dignité n'est habituellement pas offerte aux hommes dans notre technocratie, peut-être, pour une fois, pouvons-nous faire une entorse à la coutume. »

Abasourdi, Cinder se confondit en remerciements.

« Par ailleurs, en raison de la tentative de supercherie de maître Ash, les ateliers Ash et Kloze seront annexés par le Matriarcat. Par mansuétude de notre part, nous avons proposé aux Ash d'y travailler contre salaire, mais ils ont préféré quitter Svenne. Comme la moitié de l'atelier aurait dû vous revenir à votre majorité, pour vous dédommager, nous avons décidé de vous offrir, quand vous aurez l'âge requis, la position de maître des automates de la cour matriarcale. »

Cinder ne savait que répondre... Il finit par balbutier :

« Mais... que... que puis-je faire pour vous témoigner ma reconnaissance ? »

La matriarche le fixa avec amusement :

« Eh bien... Il semblerait qu'automate ou non, ma fille apprécie votre présence. Aussi, quand vous ne travaillerez pas avec madame Calculus, vous aurez pour tâche de lui tenir compagnie et de l'aider à reprendre confiance en elle, pour qu'elle puisse un jour dignement me succéder. »

Elle tira un cordon de soie qui pendait à côté de son bureau. La porte s'ouvrit, livrant passage à la mince et gracile silhouette d'Elsebeth. Elle s'avança vers Cinder, souriante, les mains tendues. Quand leurs doigts se touchèrent, il sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Il ne rêvait pas... Désormais, les automates ne seraient plus sa seule compagnie.

Dans le parc du palais matriarcal, madame Valkis s'était assise sous la gloriette ; elle arborait un sourire mystérieux qui n'était peut-être pas dû qu'à l'ambiance paisible du jardin. Le bruit d'un pas lourd attira son attention : un homme solide et râblé, vêtu en ouvrier, la salua en touchant sa casquette.

« Eh bien, dit-elle en hochant la tête, voilà une affaire rondement mené.

— Ce fut un plaisir, rétorqua-t-il en haussant ses épais sourcils. Ce garçon a de la ressource. Il ne pourra qu'avoir un effet positif sur la cour matriarcale.

— Tout à fait, monsieur Simeon. Comment vous remercier ?

— Vous n'en avez pas besoin. Je suis heureux d'avoir pu aider. »

Il esquissa un bref sourire, s'inclina légèrement avant de pivoter sur ses talons et de disparaître dans l'allée.

  
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