Lecture d'un chapitre
2 « La lutte »
Prologue
Publié par Codan, le samedi 4 novembre 2023

La porte claqua à son passage. Lan laissa tomber sa cape qu’un de ses serviteurs récupéra [i]in extremis[/i] avant que le précieux tissu ne touche le sol. Sans se soucier de lui, le dieu grimpa à l’étage. Chacun de ses pas résonnait dans l’immense escalier de pierre. Sans être annoncé, il poussa la porte du bureau de travail qui grinça . Ses frères et sœurs étaient déjà installés autour de la grande table ronde en acajou et lancèrent vers lui des regards courroucés.
— Même dans des situations comme celle-ci, tu ne sais pas être à l’heure, siffla Laosha.
Lan se vautra sur une chaise rembourrée.
— On ne change pas ses habitudes au bout de cinq siècles. Alors ? Quelle est la suite du plan ?
Waal secoua la tête, désabusé. À côté de lui se tenait son loup géant, qui ne le quittait plus depuis les attentats. Le dieu ne faisait confiance qu’à lui pour assurer sa sécurité. Sous les caresses de son maître, la bête paraissait presque inoffensive, et son énorme tête reposait sur les genoux du dieu, les yeux fermés, recherchant son affection. Fourrager dans sa fourrure apaisait l’aîné des dieux.
— Tu es sûr que ce sont ces quatre-là, au moins ?
— Mais oui, s’impatienta Lan, je les ai testés. Mes épreuves étaient truquées pour eux.
Il les avait dirigés vers une cabane plus solide. Pour en sortir, une deuxième maîtrise était obligée de se déclarer pour exploser l’habitacle et gagner l’épreuve. Il avait même fait passer un message dans leur cryptex : [i]fapïagaël[/i]. Enfant frontière. Le mot thaelin pour dire “mêlé”.
— Dans ce cas, on a un problème : la fille n’est pas comptée parmi les concurrents que j’ai emmenés dans mon palais, lâcha Gaïa. Et chez vous ?
— Le garçon est bien chez moi, répondit Waal.
Un sourire glacial peigna les lèvres rouges de Laosha.
— J’ai la mienne, et je vous assure qu’elle est bien surveillée.
— Quant au mien, il s’est volatilisé pendant l’explosion de l’Amphithéâtre. Pouf !
Lan mima un nuage se répandant dans l’air. Waal frappa du poing sur la table.
— Et ça t’amuse ?
Le dieu du vent haussa les épaules.
— Je vous avais dit que c’était une mauvaise idée d’inclure cette clause dans l’organisation du Grand Choix. Maintenant, il a choisi ses concurrents et il les protégera envers et contre tout.
— Tu oublies qu’il est faible, rappela Gaïa. Le temps joue pour nous.
— On doit retrouver les deux disparus, cingla Laosha. Quant à ceux qu’on a déjà, nous devons les surveiller coûte que coûte.
Lan se pencha sur la table dans un bruit de tissu froissé.
— Et les révoltes sur nos terres ? Comment souhaitez-vous vous y prendre pour les mater si nous restons ici ? Personnellement, moi je rentre. Ma présence suffit à apaiser mes gens, se vanta-t-il.
— Cela fait trop longtemps que je suis loin de mes enfants, soupira Gaïa, je parviens de moins en moins à entrer en contact avec eux.
La déesse était épuisée : elle semblait avoir vieilli de quelques années depuis qu’elle s’était installée à Urbaïs pour les épreuves du Grand Choix. Surveiller les pensées des siens à distance, en employant la projection astrale, lui coûtait trop d’énergie.
Waal prit une grande inspiration qui bomba son torse puissant.
— Je dois surveiller les opérations chez moi, trop de rebelles se cachent dans les montagnes. Je dois aussi procéder moi-même aux exécutions pour donner l’exemple.
Depuis l’interruption du Grand Choix, les populations s’étaient insurgées : beaucoup s’étaient sacrifiées pour envoyer les vivres nécessaires à la compétition, d’autres attendaient le retour de leurs enfants. Et les agitateurs profitaient de l’absence des dieux sur leurs terres pour fragiliser leur autorité…Pour dire aux populations qu’une vie sans divinité était possible… Lan plissa le nez en pensant à ces mêlés hors de contrôle.
— Je comprends que je serais la seule à rester ici pour mener les opérations, soupira Laosha.
— Félicite-toi d’avoir imposé une terreur telle que tu peux la maintenir de loin sur ta région.
C’était ce qui pouvait le plus ressembler à un compliment dans la bouche de Lan envers sa benjamine.
— Je mettrais mes hommes à ton service, proposa Waal. Ils sauront quoi faire.
Laosha assentit, les bijoux de sa coiffure s’entrechoquèrent dans de petits tintements élégants.
— Pensez à épurer vos rangs avant de partir, ajouta-t-elle. Qu’il n’y ait que des personnes de confiance.
— Je ne t’ai pas attendu pour cela. Sur ce, conclut Waal en se levant.
Lan se redressa.
— C’est tout ? Et les révoltes dans le Plevraïki ? L’explosion de l’Amphithéâtre ?
Waal lui jeta une liasse de papiers. Lan l’attrapa et lut en diagonale : des rapports.
— La prochaine fois, arrive à l’heure, nous avons déjà parlé de ça. Mes hommes s’en chargent, ils enverront leurs retours à Laosha. Je vous avais bien dit qu’il était utile d’avoir ma propre armée à Urbaïs, vous auriez dû m’écouter et faire la même chose.
L’aîné des dieux quitta le bureau sur ce dernier reproche. Gaïa se leva à son tour.
— Je dois regagner des forces avant de partir. Je serai plus efficace sur mes terres.
Laosha la suivit sans mot et Lan se retrouva seul. Il tourna les feuilles que son frère lui avait données en soupirant.
— Que de sérieux pour pouvoir continuer à s’amuser sur cette terre...

  
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