Noël Blanc, version ISO

I'm dreaming of a white christmas...


Il ne neige jamais sur Vancouver.

Les boucliers climatiques écartent tout phénomène météo gênant des artères de la ville et de sa banlieue. Tant pis pour les Noël blancs.

L'administration octroie royalement un jour, le 25 décembre, à ceux qui se déclarent « culturellement concernés ». C'est à dire tout le monde dans l'équipe de Philip G. Lockhart, même ceux qui n'ont pas de « culture » à proprement parler.

Rag, par exemple. Pour lui, Noël n'a été, pendant (officiellement) seize ans, qu'un concept historique et ethnographique. Le genhum éprouve toujours le besoin d'expliquer le monde, aux autres mais surtout à lui-même : il peut s'exprimer longuement, d'un ton détaché, sur les besoins inhérents à toute société de partager des rituels, mais il ne peut nier l'attirance que ces rituels exercent sur lui. Même s'il reste bien souvent sur le côté, comme s'il ne savait pas s'il en avait réellement le droit.

En tout cas, même l'Archange a ses propres projets pour Noël. Aucun de ses anciens compagnons des troupes d'assaut, cette bande éclectique de fous furieux, ne songerait à le laisser livré à lui-même en cette période de l'année. Certains d'entre eux sont également genhum, mais même ceux qui possèdent une famille font avant tout partie de cette « meute ». Quand Rag est arrivé parmi eux, il n'était qu'un gamin à leurs yeux, quoi qu'il en dise ; ils continuent à prendre soin de lui, même s'il n'appartient plus officiellement à leurs rangs. Rag accepte la situation, en grande partie pour ne pas décevoir ses amis, même si le genhum philosophe paraît sans doute un peu déplacé au milieu de cette troupe rude et bruyante.

Comme chaque année, Cid rentre sur Lumen, chez son Marine General de père, pour prendre part à une célébration familiale traditionnelle, un peu guindée. C'est l'une des rares occasions où ses parents, ses frères et elle-même sont tous réunis sous le même toit. Sa mère veille à chaque petit détail avec un soin maniaque. Quant à son père... étrangement, il n'a jamais été vraiment heureux lors de la période de Noël. Certes, il fait de son mieux pour participer, mais trop souvent, il se mure dans ses pensées et son regard s'attriste, comme si quelque chose d'essentiel manquait à ce tableau idéal.

Berry, quant à elle, accueille toujours Noël avec un enthousiasme serein. Elle a tant de famille disséminée à travers tout le Canada qu'elle se sent obligée d'aller voir toute le monde en l'espace d'une journée. Elle est partout la bienvenue, partout entourée, mais elle ne peut nier que parfois, elle se satisferait des réjouissances un peu plus paisibles.

Lock, comme tous les ans, fêtera Noël chez Gemina, son ex-compagne, soit-disant pour le bien de leur fille. Il y a pas mal de couples qui cherchent à se persuader qu'ils sont toujours unis. Eux s'efforcent de se convaincre qu'ils ne le sont plus. Ils passent leur temps à marcher sur des œufs, tandis qu'Alice les regarde en chien de faïence. Pourtant, Lock prétendra que tout va pour le mieux.

Parfois, les membres de l'équipe posent les yeux sur ce ciel gris d'où rien ne tombera et se prennent à rêver d'un déluge de flocons sur l'immeuble de l'ISO, le 24 au soir, qui bloquera tout le personnel dans le bâtiment. Bien sûr, Berry serait capable de détraquer les boucliers climatiques au dessus du QG, mais la supercherie serait rapidement découvertes au moindre frimas.

Alors, ils doivent se contenter du Noël du bureau, qui n'a pas lieu à Noël, ni dans l'esprit de Noël, où il doivent se mélanger aux autres équipes, au milieu des cris d'enfants et des bavardages courtois. La moitié du personnel regarde encore Rag comme une bête curieuse. Et nous ne parlons pas de la moitié féminine, qui n'est pas contre se livrer à une forme à peine atténuée de harcèlement.

Mais il y a des bons moments. Comme ils ont l'habitude de veiller les uns sur les autres, ils se regroupent. Lock se détend et livre des anecdotes où il ne s'est pas toujours trouvé à son avantage. Cid, après une ou deux boissons fortes subtilement glissées par Berry, se met à rire et à plaisanter, et Berry offre des cadeaux parfaitement inutiles mais tous issus d'une production biologique et équitable. Rag demeure légèrement en retrait, sauf quand une quelconque discussion culturelle ou philosophique le prend dans ses rets. Mais la plupart du temps, ils se contente de sourire, heureux d'être avec son équipe.

Tob Kincaïd, l'ancien second de Lock, vient les rejoindre avec sa femme et ses enfants, comme pour leur rappeler qu'un membre des ISOSF peut mener une vraie vie. Ce qui donne foi en l'avenir aux plus jeunes d'entre eux.

Quand ils reviendront dans leur quartiers, ils retrouveront leur solitude, mais une bonne solitude, emplie d'échos du rire et des la voix des gens qui comptent pour eux... et pour qui ils comptent.

Avec ou sans neige.


Nébuleuse du Sapin de Noël (Christmas Tree Nebula), NGC 2264

Un jour comme un autre ? - version Moonshiners

Pour les Travlers, le 25 décembre est un jour comme un autre. Et un "jour", c'est beaucoup dire, puisque dans l'espace, on ne peut pas vraiment parler de jour et de nuit, et que le temps standard et le cycle propre à chaque planète ont une fâcheuse tendance à ne jamais coïncider.

Cependant, l'humain est un animal obstiné : vous aurez beau le transplanter à l'autre bout de l'univers connu, il s'accrochera toujours à ses vieilles traditions d'enfance. En fait, il s'y accrochera d'autant plus, comme à une part essentielle de son identité. C'est sans doute pour cela que Josse, l'extra-solaire de l'équipage, insiste toujours pour « marquer le coup », en sortant pour l'occasion les meilleurs produits de leur réserve de provisions – surtout ceux sous forme liquide, d'ailleurs. Et légèrement alcoolisée. Il insiste même pour chanter les « Christmas Carols » propres à sa planète natale de Neap, qui parlent de feux follets se reflétant sur les lagunes pour tracer le chemin d'un étrange marinier vers les maisons de enfants sages, ou d'autres choses aussi absurdes.

Même s'ils peuvent être en désaccord sur d'autres points, Becka suit généralement le vieil extra-solaire dans sa joie saisonnière. Elle est sans doute la seule à avoir quelques fondements de culture religieuse, mais l'équipage du cargo n'a jamais discuté de ce genre de choses. C'est à cette occasion que ses compagnons peuvent constater que le formatage des consortiums n'a pas tué en elle l'exubérance et la ferveur de son continent d'origine, mais aussi qu'elle a possède une belle voix, grave et profonde, beaucoup de souffle et une belle résistance à l'alcool.

Et même si Jerem a le sentiment que ça ne rime pas à grand chose, il suit le mouvement : après tout, son équipage est sa famille, une conception qui s'accorde à ses valeurs traditionnelles de globeur. Aussi, quand il a la certitude que le Moonshine n'ira pas s'écraser sur un astéroïde à cause d'un équipage pompette, il accepte de se laisser un peu aller. Même s'il ne se l'avouera jamais, il aime voir les autres aussi détendus et joyeux. Parfois, il se souvient que Becka a encore de la famille en Afrique, et il se demande s'il devrait lui proposer de retourner avec eux pour les fêtes – après tout, Josse peut se débrouiller avec les machineries ; mais elle ne l'a jamais demandé, et il n'a jamais franchi le pas.

Durant le premier Noël qu'elle a passé avec eux, Mirella était un peu gênée... Pour les runners, les fêtes sont seulement l'occasion de trafiquer plus de produits illicites qu'à l'accoutumée : beaucoup de gens dans les mégapoles ne se contente pas de boissons alcoolisées pour se dissocier un peu de la réalité. Si la période de Noël est appréciée, c'est pour les profits qu'elle entraîne dans des commerces plutôt troubles, ce qui n'est sans doute ni l'esprit ni la lettre. Mais Mirella n'est plus runner et elle s'est efforcée de gommer de sa mémoire tout ce qui a pu exister avant même cette période. De toute façon, cela n'impliquait pas de chaleureuses des fêtes de familles.

La famille actuelle de Mirella est un peu bizarre et mal assortie, et elle ne sait pas réellement où elle se situe en son sein, mais avec eux, elle ne crains plus le lendemain et peut même rêver au Noël d'après.