Compte tenu de mon absence de ce week-end, je n'ai pu souhaiter à la bonne date l'anniversaire de... Philip Gibson Lockhart ! Notre cher capitaine ne se formalisera pas d'un retard de 24 h, il connaît les vicissitudes des missions sur le terrain (en l'occurrence, escorter deux jeunes gens vers leur lieu de villégiature en période de vacances).

Puisque je ne peux moins faire que pour son lieutenant (même s'il n’aura pas de montage photo, faute d'avoir trouvé une "tête" définitive et faute de temps de ma part), voici quand même un petit passage se rattachant à une période clef de son passé. A plus d'un titre. Mais dont il ne sait pas tout...

« Vous ne voyez aucun candidat potentiel à nous recommander ? »

Les yeux plissés, le colonel Ereban, de la Marine Spatiale, dévisagea son interlocuteur ; certes, leur rencontre était informelle et se déroulait dans la plus complète discrétion, dans un salon isolé d'un grand hôtel New Yorkais, mais cela ne donnait pas forcément le droit à Genz de chasser sur son territoire. Même pour étoffer la toute nouvelle structure gouvernementale dont son homologue devait prendre la tête sous quelques jours.

Mince et grisonnant, le colonel Genz, des Forces armées planétaire, approchait de la retraite. Ce projet serait son bâton de maréchal, mais aussi l'aboutissement d'un travail de longue haleine dans lequel il s'était totalement impliqué. Et si Ereban avait accepté cette rencontre et ce qu'elle sous-entendait – une sorte de trahison aux yeux des siens, s'ils venaient à le découvrir -, c'était uniquement parce qu'il était persuadé que la façon de penser de Genz était la bonne. Si une telle structure avait existé à l'époque, la rébellion des forces de la Marine stationnées sur Lumen n'aurait sans doute jamais eu lieu... ou du moins, elle n'aurait pas pu prendre une telle ampleur.

« Je ne vous cacherai pas, poursuivit Genz, que nous manquons de jeunes gens qui ne craignent pas d'aller sur le terrain, quitte à s'exposer à des situations dangereuses. Mon corps d'origine a déjà lourdement contribué, ainsi que la Sécurité civile planétaire. Il serait juste que la Marine contribue également, ou le fossé entre ces différents corps risque de s'élargir d'autant... »

Genz se pencha légèrement par dessus son verre de sherry gaïen :

« Vraiment, vous n'avez pas sous la main quelques éléments prometteurs ? »

Ereban trempa les lèvres dans son propre verre et laissa son regard errer au-delà de la verrière qui offrait une vue panoramique sur la baie. A bien y réfléchir, il y en avait bien quelques uns...

Ce jeune lieutenant aux cheveux sombre, notamment... Un garçon aux épaules carrées, au dos droit, au visage obstiné et au regard décidé. Depuis qu'il était sorti de l'académie militaire deux ans plus tôt, aucun de ses supérieurs n'avaient pu relever chez lui un défaut manifeste. Malgré un caractère bien trempé et une certaine propension à l'entêtement, il n'était jamais rentré en conflit avec qui que ce soit, même quand ses supérieurs écartaient ses suggestions. Sans doute cachait-il mal son désaccord, mais aucun règlement ne sanctionnait une expression butée...

En fait, il semblait même baisser les bras bien trop vite, comme si cela ne valait pas la peine de se battre pour faire valoir sa façon de voir, et c'était ce qui faisait douter Ereban de l'avenir de ce garçon dans la Marine Spatiale. Le colonel de la Marine pensait avoir d'où venait le souci : ce garçon faisait partie de ces tempéraments qui n'offraient le meilleur d'eux-mêmes qu'en situation de crise et, si possible, si on leur laissait les mains libres. Mais en l'absence de réel conflit, l'armée offrait de moins en moins de défis. Des défis dont le jeune homme avait un besoin maladif pour donner le meilleur de lui-même.

« J'ai bien quelques noms en tête... fit Ereban avec un léger sourire. Nous nous arrangerons pour que les heureux élus pensent que l'idée d'un transfert vient d'eux... »


* * *

La salle d'attente, dans un immeuble banal et aseptisé de la banlieue de Vancouver, n'avait rien pour séduire le nouvel arrivant : des murs de plastacier blanc, des fauteuils noirs, aussi minimalistes qu'inconfortables, une fenêtre virtuelle qui restituait une vue lourdement retouchée d'une villégiature d'Archipel.

Le jeune lieutenant se demanda une nouvelle fois ce qui l'avait poussé à déposer une demande pour entrer dans la toute nouvelle agence fédérale ; quelques bruits de couloir l'avaient conduit à se renseigner sur l'Interworld Security Office et ce qu'il avait découvert avait suscité en lui un profond intérêt. Il n'était pas naïf : il se doutait bien qu'une structure sensée répondre directement du gouvernement n'aurait pas forcément les mains libres en toute circonstances... Mais il aimait penser que pour avoir la moindre chance de faire la différence, la structure devait être servie par un personnel prêt à embrasser totalement ce principe... et il comptait bien en faire partie. S'asseyant presque à contrecœur dans l'un des fauteuils, le dos raide, il serra stoïquement les mâchoires, prêt à se soumettre à une longue attente avant d'être reçu par l'un de ses supérieurs potentiels. Un certain major Alvarez, le bras droit du colonel Genz.

Les palmiers réticulés aux frondaisons bleues d'Archipel agitaient virtuellement leurs feuilles devant son nez, surplombant une baie d'un turquoise agressif. Ce n'était pas du tout son idée du paradis... Il commençait à perdre la notion du temps, quand la porte s'ouvrit pour livrer passage à une jeune femme du même âge que lui, probablement, qui choisit de s'assoir juste devant lui. Le regard pâle du lieutenant s'attarda sur une paire de jambes minces moulées dans des bottes hautes, une robe courte mais sages. Ses cheveux mi-longs, un peu ébouriffés, brillaient comme un halo doré autour de son visage mutin.

Sentant l'insistance de son regard, elle braqua sur lui des yeux pétillants et un sourire illumina ses traits :

« Vous souhaitez aussi intégrer l'ISO, lieutenant... ? »

Le jeune militaire cligna des yeux, un peu gêné par cette prise de contact impromptue, avant de répondre enfin :

« En effet. Vous venez postuler pour les services civils ? »

Elle hocha la tête, avant de répondre, toujours avec le même entrain désarmant :

« Je suis juriste de formation, mais quand j'ai appris quelles seraient les missions de cette agence, je me suis dit que ce serait sans doute mal payé, mais intéressant. Et puis... je vais passer pour une grande romantique, mais aider à faire triompher la justice, c'est bien plus motivant que d'assurer le monopole d'un consortium ! »

Il ne put qu'approuver, bien qu'un peu noyé sous le flot enthousiasme de ses paroles... ce qui ne l'empêchait pas pour autant d'apprécier sa physionomie agréable et sa vitalité manifeste. Elle reprit son souffle, puis, se penchant légèrement pour lui tendra la main, déclara :

« J'ai failli oublier... Je m'appelle Alsten. Gemina Alsten. J'espère que nous aurons l'occasion de travailler ensemble ! »

Il ne put s'empêcher de lui rendre son sourire quand sa main vigoureuse enserra ses doigts fins et nerveux :

« Moi de même, misser alsten. Mon nom est Lockhart. Lieutenant Philip Lockhart »

:)