Dans la série : "J'oublie les anniversaires de mes personnages", c'est ce pauvre Jerem qui se retrouve le plus mal servi. Cette fois, je n'ai pas réussi à tenir le délai d'un mois. Mais ce n'était pas une raison pour lui refuser son propre "caméo" ! ^^ Un petit texte qui complète en quelque sorte la nouvelle de la pleine lune Voleur de rêve !


Jeremy contemplait son écran de transmission avec toute la vivacité d'un chien de faïence organique. Pour une fois qu'il était décidé à enregistrer un message à l'attention de ses parents, il trouvait la tâche insurmontable. Il ne s'était jamais considéré comme quelqu'un de très imaginatif, mais il ne s'était pas attendu à ce que cette formalité lui paraisse aussi insurmontable que la composition d'une ode de cinq pages.

S'il n'avait dû s'adresser qu'à sa mère, les chose auraient été simples : il lui aurait suffi d'assurer qu'il allait bien, qu'il gagnait – à peu près – convenablement sa vie et n'était menacé par aucun danger physique immédiat. D'ailleurs, en règle générale, plus il précisait les choses, plus elle trouvait de motifs d'inquiétudes, réels ou imaginaires.

Son père était une toute autre affaire.

Si Jerem se trouvait ici, au fin fond de l'Intermonde, à bord de ce cargo léger qui avait connu des jours meilleurs, en compagnie d'un vieux baroudeur droit sorti d'un programme d'holoposte, c'était bien à cause de Dan Straszinsky.

Un homme habité de visions de contrées étranges et lointaines, de rêves d'aventures qu'un technicien en hydroponique n'aurait jamais dû concevoir. Son père aurait pu, après avoir pris sa retraite, embarquer pour l'un de ces voyages organisés sur Gaïa ou Archipel – sa pension lui en offrait largement les moyens. Mais jamais il n'aurait pu se résoudre à cet ersatz qui n'aurait jamais la couleur ni la saveur de ce qui lui avait été dénié.

C'était en grande partie pour offrir par procuration à son père ce parfum de rêve que Jeremy s’était engagé pour un contrat de cinq ans dans l'armée puis à divers postes dans la marine civile. Il avait découvert en cours de route un certain goût pour l'indépendance et la liberté, même si parfois, l’incertitude du lendemain lui pesait.

En soupirant, il se força à revenir à la tâche en cours.

Mes chers parents...

Trop formel...

Papa, maman...

Infantile... Il avait dépassé la trentaine, quand même !

Il décida d'adopter une autre approche, plus détendue :

« Bonjour, vous deux... Je ne suis pas sûr que bonjour soit le terme approprié pour vous, mais c'est le début de la diurnale pour moi. Même si dehors, sur Cassandra Prime, il fait nuit... »

Il songea à l'étrange pénombre de la nuit planétaire, avec ses chapelets de poussières bleutées en suspension dans les couches supérieures de l’atmosphère.

« Si vous vous demandez ce que je fais là, la réponse est simple : je suis venue chercher mon vaisseau. Eh oui, j'en ai enfin un bien à moi ! Un appareil robuste, une bonne facture à l'ancienne... »

Inutile de préciser à quel point elle l'était...

« J'ai déjà un membre d'équipage... »

L'ancien propriétaire du vaisseau, un vieux baroudeur au parcours un peu louche, pour qui toute notion de discrétion ou de vie privée, n'avait aucun sens...

« … et je pense en engager d'autres très bientôt. »

Et surtout un mécanicien, parce qu'il n'y connaissait pas grand chose et que vu l'âge du vaisseau, il avait besoin de quelqu’un de compétent pour le garder en état de voler.

« Cassandra Prime est un endroit magnifique, poursuivit-il. Avec cette lumière indigo, cette végétation flottante et cette faible gravité, on croirait marcher au fond de l'eau. Je vous enverrai une holo dès que possible. »

Il esquissa un sourire :

« Pour rien au monde, je ne voudrais être ailleurs... »

C'est avec un sourire sincère qu'il leur adressa un salut affectueux avant d'arrêter l'enregistrement. Cette fois, il ne se sentit pas obligé de rectifier ou de compléter intérieurement cette affirmation.