Dans le cadre de l’animation des blogs à l’occasion du 21 décembre 2012, Tramonde se devait aussi de disparaître… C’est une uchronie futuriste totale !

Exstinctio

21e jour du mois de Dasirent, année 2012

Le vingt-et-unième jour du mois de Dasirent, les montres cessèrent de fonctionner, affichant sur leur cadran des informations de pure fantaisie. Ce n’était qu’un désagrément mineur : il existait encore suffisamment de systèmes exclusivement mécaniques, qui n’avaient pas été affectés, pour que l’on puisse contourner ce souci.

Mais dans les jours qui suivirent, quand les cristaux d’éclairage, les accélérateurs des armes, les plaques de visualisation des médecins et tout ce que les outils des hommes comportaient d’activation cristalline devinrent soudain inertes, l’inquiétude commença à poindre.

Quand les nefs commencèrent à tomber du ciel, les habitants de Tramonde se sentirent touchés par un début de panique. Les majestueux vaisseaux des airs n’étaient-ils pas le symbole, la fierté du royaume ?

Les scientifiques des académies de Marilysse et d’Orebrune se mirent à correspondre frénétiquement avec leurs homologues des autres pays, tout aussi frappés par l’étrange inertie des cristaux, même des puissances hostiles comme l’Empire Argetien et la Confédération Foromalienne. Contrairement à la majorité des habitants du continent d'Orante, depuis plus de trois siècles, ils connaissaient les origines de leur monde et redoutaient l’inversion d’un processus qui l’avait jadis éveillé à la vie. Ils échangèrent de nombreuses lettres, descendirent au fond des mines et montèrent sur les pôles qui passaient à leur portée, employant l’ancienne méthode des ascenseurs de cordes.

Les pôles perdaient de l’altitude : c’était un fait. Mais les Pôliens n'en concevaient aucune terreur particulière. Ils semblaient encore croire que leurs anciens maîtres, qui avaient quitté ce monde en leur laissant jadis laissé la responsabilité des pôles, étaient toujours quelque part à l’écoute et pourrait inverser ce phénomène. Les scientifiques d’Orante n’avaient que faire de ces espérances qu’ils jugeaient vaines : chaque jour, les pôles baissaient, à une affolante vitesse.

Et les premiers pôles tombèrent : certains s’abîmèrent dans les flots ou s’écrasèrent sur des chaînes de montagnes, d’autres dans des campagnes inhabitées ; mais d’autres s’abattirent sur des villes, le plus souvent désertées de leurs habitants, mais à jamais rasées de la carte.

Il n’y avait rien à y faire. Tramonde, comme les autres pays d’Orante, comme le reste du monde, devrait apprendre à vivre sans le confort offert par les cristaux. Ne plus naviguer que sur les flots, se servir d’armes dont le pouvoir meurtrier serait désormais confié à la dangerosité de la poudre, s’éclairer à la chandelle même dans les maisonnées les plus huppées, c'était certes surmontable, mais difficilement… Encore tout à leur douleur et leur lent travail d’adaptation, les Tramondiens dans leur majorité ne perçurent pas immédiatement l’étrange phénomène qui s’ensuivit…

Progressivement, l’atmosphère de la planète s’affinait, comme si elle échappait à son emprise. De jour en jour, les habitants peinaient un peu plus à respirer, sous un ciel de plus en plus sombre... Comme si avec la mort des cristaux, toute la planète se mourrait aussi.

Les quelques Pôliens qui avaient survécu à la disparition de leurs mondes flottants espéraient encore, les yeux tournés vers les cieux. Les basiliques des grandes villes du continent ne désemplissaient pas, et sans doute, très loin de là, dans les archipels exotiques et les terres coloniales, les autochtones se raccrochaient à leurs propres croyances...

Peut-être qu'ils reçurent une réponse à leurs prières.

Peut-être les anciens maîtres de Pôliens quittèrent-ils leur longue réserve pour revenir chercher leurs fidèles intendants.

Peut-être la Divinité envoya-t-elle l'un des ses Avatars pour sauver les derniers de ses fidèles.

Mais une chose est certaine : quand les dernières parcelles d'eau et d’air, ces deux ferments de la vie, furent aspirés dans l'immensité de l'espace, il ne restait plus un seul être vivant pour en témoigner...