Histoire de ne pas laisser le blog en plan, voici un petit drabble que j'avais rédigé pour un 500 thèmes (que je me promets de finir un jour...) et qui porte sur le passé d'Emilia. Plus spécifiquement, le moment où son père la renvoie en Angleterre. Le prompt était : "Laissé(e) pour compte".


Par une étrange instinct physiologique, qui n'avait jamais été scientifiquement vérifié, Emilia pensait que si elle serrait suffisamment les dents, les larmes ne tomberaient pas. Elle gardait les yeux braqués droit devant, évitant de les tourner vers la silhouette perchée à côté d'elle sur le siège du cabriolet. Parfois, une manche d'uniforme ou un favori blond effleurait son champ de vision. Elle plissait alors les paupières, pour limiter celui-ci à la route poussiéreuse qui défilait sous les sabots du cheval.

A l'arrière, se trouvait une malle. Et au bout de la route, un vaisseau sur lequel elle devrait embarquer seule.

Durant les six dernières années, sa vie avait été emplie d'habits rouges, de casernes, d'odeur de poudre...

De murs blancs, d'épices, d'hommes à la peau sombre revêtus d’étoffe blanche, de femmes aux voiles colorées...

De bateaux ballottés sur les flots, d'embruns, de bois et de goudron.

« Tu deviens une jeune fille, Emilia. Et la place d'une jeune fille n'est pas au milieu des soldats. »

Elle n'en était pas une. Pas réellement. Son père aurait dû le savoir, mieux que quiconque, mais il avait unilatéralement décidé que les apparences suffisaient à la mettre en danger.

« C'est un très bon pensionnat, Emilia. »

Une petite voix tout au fond d'elle lui hurlait que s'il l’exilait loin de tout ce qui avait jusque là constitué sa vie, c'était pour son bien, mais elle ne voulait pas l'entendre. L'entendre, a fortiori le comprendre impliquait une soumission, une admission qu'elle refusait farouchement de manifester.

Ce fut à ce moment qu'elle décida qu'il n'existerait plus.

Du moins, pas de la seule façon qui comptait.