« Le temps est la seule prison de laquelle on ne peut s'échapper. »
Michaël Veuillet
Quelque part vers le Cercle arctique
Ils attendaient. Piégés depuis des temps immémoriaux. Le froid et les ténèbres les avaient plongés dans une sombre léthargie, même s'ils n'avaient plus de peau, plus d'yeux, plus de cœur pour les percevoir.
L'espoir n'était qu'un vain mot, dissous dans le néant de l'éternité. Progressivement, ils avaient senti leur conscience se faire de plus en plus éthérée, jusqu'à n’être plus qu’un faible écho se réverbérant sans fin contre les épaisses parois de cristal et de bronze.
Jusqu'au jour où la faille apparut. D'abord une infime fêlure, née du contraste violent entre la tiédeur du réservoir et la mer gelée, si brutal qu'il avait pu affecter l'œuvre titanesque d'un des meilleurs artisans de toute l’histoire. Dans cette prison si soigneusement scellée, l'eau s'infiltra... Pas la pluie stérile, mais le fluide océanique : amer, salé, mortellement froid, mais porteur de minuscules parcelles d'une énergie qui transcendait la puissance des éléments eux-mêmes.
La Vie.
Des organismes microscopiques s'ébattaient dans les gouttes qui filtraient à travers la fissure. Les esprits épuisés s'emparèrent de ces infimes créatures, se nourrirent de cette énergie ténue, mais dotée d'une incroyable résilience. Petit à petit, ils reconstituèrent leurs forces...
Pas suffisamment pour parvenir à franchir les barrières, d'ordre intangible, qu'un autre artisan ingénieux avait élevées autour d'eux... mais ils s'enhardirent assez pour attaquer de leur volonté cette paroi invisible qu'aucun outil ne pouvait altérer.
Avec le désespoir de ceux qui n'ont plus rien à perdre.
Avec la patience des damnés.
Siècle après siècle.
Année après année.
Jour après jour.
Heure après heure.
Avec la certitude volatile que dans les inévitables bouleversements du monde, leur moment viendrait, tôt ou tard...